Le marathon.
42,2 kms. Une paille après les 81,5 de la longue. La journée de repos a fait du bien. Les sacs sont quasi vides maintenant et on sait qu’au bout c’est l’arrivée et la médaille. Il nous restera une nuit de bivouac et l’étape UNICEF mais elle est banalisée, sans classement. Seule nécessité, la parcourir. C’est donc ce matin que tout se joue. On rejoint la ligne de départ, galvanisés tout autant qu’émus. Oui c’est le dernier vrai départ, déjà la fin.
Bon c’est pas tout ça, on va essayer de bien finir. Et dès le départ ça file vite. Un rythme à 6’ au km. Je suis avec Seb, Nathalie et Frank. Je trouve que ça va un peu vite pour un marathon de trail. Au bout de 3 kms à ce rythme, je trouve que ça va vraiment très vite. Un coup d’œil au cardio. Effectivement ça va trop vite pour moi, le cardio est vraiment très haut. Ils sont fous, on ne tiendra pas comme ça. En tout cas moi je ne peux pas suivre et je ralentis. Durant tout le premier semi je vais alterner phases de course et de marche, selon le cardio. Je me trouve très haut, trop haut, y’a un truc qui cloche. CP1 arrive, je me fais déposer par les premiers partis bien après nous. Je continus de plus en plus difficilement jusqu’à CP2, accompagné un moment par le 3è de la fratrie d’Hervé, Simon, qui me booste un peu.
Je quitte CP2 alors que Guy y arrive. Peu de temps après il me rejoint. Je le suis tout en lui expliquant que je suis dans un jour sans. Il me booste lui aussi, me tire mais décidemment ça va pas et je le laisse filer alors que le moindre trot m’essouffle et fait monter mon cœur dans les tours.
On passe le jebel Assderm en compagnie de deux gars, se croisant et se recroisant selon la configuration du terrain. Dans la descente vers CP3 je double Christian et on s’encourage. David me passe tel un avion. La descente se fait plus technique et pentue. Je retrouve des forces et de la lucidité pendant quelques minutes mais la fin de la passe me rappelle que ça ne va pas.
CP3 arrive. Une infirmière me voit et me demande comment je vais. Je lui explique que ça va moyen mais qu’à 10 kms de l’arrivée il est hors de question de m’arrêter maintenant.
Ils seront extrêmement pénibles ces 10 kms, et pas que pour moi. On remonte l’oued Tarhbalt, fait de sable mou, infâme, sans aucune possibilité de trouver un sol au bon rendement. C’est d’autant plus dur pour moi que je n’ai plus aucune force et que je m’épuise dès que je veux accélérer un tant soit peu le rythme.
Il aura vraiment été interminable cet oued. Je me fais doubler, doubler et doubler encore, par des concurrents qui sont d’habitude largement derrière moi. J’en parle en deux phrases mais ça aura duré si longtemps sur le moment, impossible de le traduire par des mots. Un sentiment de désarroi, vraiment interminable.
Enfin on sort de ce sable et on monte un petit col. C’est un peu mieux dans la montée, d’autant que les pierres sous les pieds offrent un meilleur appui. Puis ce sont des collines de petites pierres, casses chevilles, puis des dunes pour finir. Je les fais au mental ces dunes, sachant l’arrivée proche.
Ça y est je la vois. Hors de question d’arrêter. Je me mets à trotter. Peu importe les sensations, peu importe le cœur, c’est l’arrivée. Je me retourne, personne derrière moi. Le coureur précédent est loin devant. Je peux donc profiter du moment. Encore quelques mètres et ça y est. Je suis FINISHER !!! J’ai vaincu le Marathon Des Sables !!! Yes !!!
Une longue file d’attente serpente devant moi. C’est que c’est Patrick Bauer lui-même qui nous remet à chacun notre médaille. On attend donc mais ça vaut le coup d’attendre. Et là dans cette file d’attente, l’émotion, la fatigue, le désarroi se mêlent. Pour la première fois je verse ma larme. Ça ne dure pas longtemps mais ça fait passer l’émotion. Et autour de moi, cette émotion est palpable.
Puis c’est le moment de me présenter devant le big boss. Il me passe la médaille autour du cou, puis une poignée de main chaleureuse ; je le remercie car il m’a appris beaucoup sur moi-même, sur mes limites, mes capacités puis une accolade et c’est fini. Il passe au concurrent suivant et moi je braie encore un petit coup en allant prendre mon thé et faire la photo souvenir.
Etape 5 : 42,5 kms. 6h34’20. 6,33 km/h
Mail : Salut à tous, bonjour ma belle, ayé fini! Mais dans quel état! J'ai explosé dès le 3è km, le cœur qui s'emballait. Rien à faire, de plus en plus difficile de le faire redescendre, du coup je m'effondre. 23 km en 2h05, les 10 derniers en 1h45. No comment. C'est pas une cartouche que j'ai pris, c'est un chargeur! L'arrivée pleine d'émotions. La rage d'avoir dû lutter contre ce corps qui ne voulait pas, le désespoir de voir autant de monde me passer sans que je ne puisse rien faire, mais aussi le plaisir d'en avoir fini et d'avoir terminé. J'en ai versé ma larme, pour la 1è fois sur une course. Je n'avais jamais puisé autant en moi. Là je sors de chez les docs, tout va bien les pieds sont bandés à nouveau et je vais aller manger un peu. Demain c'est 7.7km sans chrono, ça va être dur, surtout avec les pieds que l'on a.
Merci encore beaucoup pour vos mails. Je viens de les recevoir. Impossible d'expliquer à quel point c'est important ici.
Je vous laisse. A lundi au téléphone.
Jules ton papa t'aime. A vite.