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Compte rendu diagonale des fous 2011

13-16/10/2011 à La Réunion

Après de la natation, de la nage avec palmes, des Ironman et Powerman, je me lance un nouveau défi : l’ultratrail. C’est un nouveau monde. Je n’ai jamais dépassé les 40 km en trail (et encore !) et les 42 en cap. Mon effort le plus long est Embrun 2003 (14h46). Il va me falloir gérer à la fois le sommeil (départ 22h le jeudi puis deux nuits jusqu’à dimanche), la distance énorme (163 km), le dénivelé (9500m de D+), le temps d’effort (je n’ai aucun repère temporel et ne peut estimer le temps final), et la course à pied seule sans natation ni vélo. J’estime au départ marcher sur 95% du parcours.

Préparation

630 km de cap depuis janvier, avec grosse coupure au printemps pour cause de blessure. D’abord à la hanche D puis au pied D (5è métatarse). Au final, possibilité de me ré entraîner mais déménagement début juillet. La préparation de Zofingen m’a permis de reprendre du kilométrage et des grosses sorties vélo (2000km).

Depuis janvier, environ 5h d’entraînement par semaine tout compris. Manque de sorties longues, de dénivelé, de préparation excentrique, de randonnées. Une seule sortie de nuit avec José. Pas de travail en altitude. Pas de trails depuis Ollioules en décembre. Un seul triathlon en mai à St Cyr (difficile) et Zofingen qui m’a redonné de la confiance en moi.

Points positifs : du vélo pour les sorties longues qui m’a permis d’économiser mes articulations. Le vélo pour le boulot qui augmente le kilométrage et permet des relances et du rythme. La préparation de Zofingen qui m’a boosté et qui s’est terminé par une grosse confiance en moi. Les 25 étages à monter et descendre qui m’ont servi de prépa physique.

Bref des manques, une prépa tronquée sur une épreuve que je ne connais pas.

Préparation médicale

Compte tenu des douleurs à la hanche et au pied, un suivi homéopathique (Bourdot) est mis en place. Granules, pommade, injections, oligoéléments. En parallèle, kiné durant l’hiver et le printemps puis arrêt quand la douleur au pied s’installe et ne nécessite pas de soins.

Préparation des pieds par Tano juste après Zofingen (6 semaines) puis par Tano et Nok la dernière semaine.

En parallèle vitamine E (TOCO 500) la semaine avant le départ. 2 cures d’ACM 20, l’une avant Zofingen, l’autre juste avant la course.

Avant le départ baisse de l’alcool, repas avec cari et rougail.

Question poids : sous mon poids de forme. 55 kg au départ pour la Réunion.

Matériel :

  • Sac Camel bag Salomon.
  • Poche à eau rockrider prêtée par José
  • Bas Massilia puis TCM
  • T-shirt microfibres blancs (3)
  • Casquette saharienne
  • Lunettes de soleil Oakley
  • Buff
  • Gants vélo rockrider
  • Haut ML noir chaud
  • Veste de pluie gore run wear
  • Chaussettes classiques (6 paires)
  • Chaussures : Salomon XT Wing (41,5) puis ASICS Trabuco (42,5)
  • Semelles ortho F. Pierre
  • Collant cap (2)
  • Poncho de pluie cadeau de sponsor
  • Montre polar RS 800 avec cardio et pod course à pied réglé pour une mesure par minute.
  • Dans le sac
    • Matos de sécurité :
      • Couverture de survie
      • Lacette
      • Frontale (2)
      • Piles de rechanges (12)
      • Briquet
      • Epingles de sécurité
      • Couteau multi-lames
    • Pharmacie :
      • Elastoplast (2)
      • Doliprane
      • Di antalvic
      • Compresses
      • Sérum physiologique
      • Chlorhexidine
      • Duoderm
      • Comfeel
      • Tegaderm
    • Alimentation :
      • Galettes de riz (3)
      • Mini saucisson (10)
      • Barres de céréales (3)
      • Gels/coups de fouet (5)
      • Powerbar
      • Recharge boissons (4)
      • Bouteille d’eau (50cc)
      • Capsules de sel

Avant la course : petit dej’ le matin à 10h puis repas le midi (cari) puis collation à 20h (cari + café). Au départ : café + boisson d’attente + barre de céréales + mars.

Au final toujours trop de choses, de peur de manquer. Prendre moins de nourriture et limiter le matériel à l’essentiel. Les capsules de sel ont vu du pays pour rien, tout comme le Powerbar, les barres de céréales et les gels. Par contre je n’ai manqué de rien sinon d’un bâton (voir conclusion). La pharma était trop conséquente (j’y peux rien c’est mon job).

La course

A avec José

I Départ-plaine des sables

Au départ, partie route sur quelques km. José a le feu et veut courir. Pour ma part je préfèrerai marcher vite mais va pour la course. C’est l’euphorie mais je fais attention au cardio et aux sensations. Ne pas se griller ! Puis départ pour une petite route en montée et lacets. Pause pipi mais je sens José bouillir à côté. Tant pis, jouons la prudence. La montée se fait cool à la marche. On discute avec d’autres concurrents, je m’obstine à marcher vite mais à marcher. On se fait doubler mais on double aussi. Comme quoi.

1er ravito : on y perd beaucoup de temps, alors qu’il est presque inutile. Je prends des morceaux de bananes et un petit sandwich salé. Je perds José, d’où du temps encore perdu pour que l’on se retrouve. Puis c’est la montée sur Foc Foc. Chemin étroit qui monte beaucoup. Très chaud et humide. Beaucoup d’embouteillages car beaucoup de monde. José, qui a encore le feu, double dès que c’est possible. Aux 2/3 environ, on sort de la forêt. Il fait plus froid (vent + altitude) mais ça monte encore. On double encore. Le plateau arrive, la pente est moins raide. On court un peu jusqu’à Foc Foc.

2è ravito : La nuit prend fin. On reste trop longtemps à ce ravito aussi. Il fait très froid, le thé tiède est pris d’assaut. Autour de nous beaucoup de concurrents grelottent ou ont les jambes tétanisées. Je change les piles de ma frontale. Finalement nous repartons alors que le soleil se lève sur le volcan. Magique ! On se tape dans la main, on est euphoriques tous les deux. On marche, on court un peu (toujours la prudence) puis on arrive au ravito de la plaine des sables.

3è ravito : C’est le ravito où il faut s’arrêter. Il y fait plus chaud car plus abrité et moins de prise au vent. Le jour s’est maintenant bien levé et la chaleur du soleil est agréable. Je prends café, soupe avec pâtes, barres de céréales, sandwich. On retrouve Marie et Sydney avec qui l’on parle avant de repartir.

En résumé : le rythme était bon selon moi. Plus vite aurait été préjudiciable pour la suite. Par contre il faut zapper les deux premiers ravitos sans vergogne. Juste prendre des bananes et encore. Le contenu du Camel back et de la bouteille additionnelle doit largement suffire, d’autant que l’on peut se lester d’une petite bouteille que l’on quitte au ravito. Le gain de temps doit se faire sur les ravitos plutôt que sur la course. D’autant que le gain sur le 1er ravito doit permettre de passer plus vite les ralentissements de la montée.

II plaine des sables-mare à boue

On traverse la plaine des sables en courant. C’est plat et en descente. Rien de technique. José est encore devant, je joue encore la prudence. Face à nous l’enclos de l’oratoire Ste Marie. Un hélicoptère nous survole pour prendre des images. On a vraiment l’impression de vivre un truc géant (et c’est le cas). Pointage surprise au pied de l’enclos puis montée jusqu’à l’oratoire, sur la crête. On marche vite, il fait chaud, les épaisseurs intègrent le sac. A l’oratoire un local s’arrête pour faire une prière. Instant magique encore. A partir de là c’est une succession de descentes plus ou moins techniques jusqu’à piton Texor. La fatigue de la nuit commence à se faire sentir. Je me tords la cheville, José se prend une gamelle sur un rocher, sans gravité heureusement pour nous deux. Mais il faut rester vigilant. On court un peu dans les descentes quand le terrain le permet mais je tempère les ardeurs portugaises…

4è ravito : piton Texor. Ce sont les fameuses dattes de Jacques (prend date !). Un café, des bananes, des fruits secs, un petit coup de fil et on repart. La descente commence à être boueuse. On court, on marche. On se retrouve sur un sentier entre des champs à vache. Irréel à la Réunion. On se croirait en Suisse. Au fur et à mesure la pente s’accentue, la chaleur devient pesante, le chemin plus étroit, glissant, casse gueule. On court, emporté par les concurrents qui nous doublent. Puis la descente finit et on rejoint une route. Mare à boue est encore loin mais on n’arrive pas à savoir où. Il nous tarde d’y arriver. A certains moments on rejoint une route où les familles encouragent les concurrents.  C’est une partie où l’on court et marche mais qui est peu plaisante à cause de la chaleur et de l’envie d’arriver au ravito.

5è ravito : Mare à boue. On y mange poulet et pâtes, café, bananes, sandwich. On y discute avec d’autres gars, dont un triathlète. On enlève le collant pour le short. On y restera plus de 30’ environ.

En résumé : partie peu dure physiquement qui pourrait se faire plus vite, avec le risque de se griller pour la suite. La fatigue se fait sentir et peut causer des pépins physiques par manque de vigilance. Le ravito intermédiaire est le bienvenu et on peut s’y recharger car la suite est longue et chaude. On peut gagner du temps à Mare à boue mais la pause était agréable. Le plus dur est de gérer la fatigue présente et à venir.

III Mare à boue-Hell bourg

La météo (temps lourd et incertain) nous fait craindre le pire et repartir. Début cool sur une DFCI puis plus boueuse au fur et à mesure. On entre dans un sentier très boueux qui descend de plus en plus. Ça devient de la haute voltige et il faut utiliser les branches pour se retenir. Chaud ! José semble moins à l’aise sur ce terrain alors que je m’y amuse. Je suis peut-être plus frais, la suite semblera le confirmer.

Au débouché du chemin, la route de Bébour-Bélouve. Quelques km de béton, sous le soleil, où nous courrons et marchons. Puis c’est le drame. On quitte la route pour un sentier qui part dans la forêt primaire. Déjà à cet endroit, un local râle et prend à partie le signaleur, lui disant que ce n’est pas ce qui avait été dit au départ et qu’il passera par la route. On en reste là de la discussion. La boucle dure environ 30’ avec le passage d’une rivière avec photographe officiel. Puis c’est de nouveau la route puis un nouveau sentier. On pense en avoir pour le même temps. Erreur. On va y rester 3h. Le sentier est détrempé, très glissant. Et surtout on n’en voit pas la fin. Impossible de se repérer ni de savoir quand on va en sortir. Sans parler de la route que l’on entend sans la voir, vers laquelle on se rapproche puis on s’éloigne. Usant ! Le terrain très glissant ne me dérange finalement que peu et je prends de l’avance sur José, moins à l’aise. Je l’attends, je repars avec lui puis le perds à nouveau. Le pire est à chaque fois l’espoir qu’après le virage, la montée, on sortira de cet enfer.

A la sortie, la route à nouveau et quelques centaines de mètres plus loin un petit ravito.

6è ravito : Je bois, je mange, en attendant José. Coup de fil à Marie qui s’inquiète de ne pas avoir de nouvelles. José arrive et on regarde nos montres. Notre avance a fondu comme neige au soleil (et à la Réunion il est brutal) et Hell bourg est encore loin. On part sans trop s’arrêter et on file dans une descente glissante sur des marches et des dalles. On double et on est doublé, on court autant que possible. On rencontre Hugo que je retrouverai par la suite. C’est stressant à cause de la barrière horaire et du risque que l’on prend. Arrivée à Hell bourg. On passe à l’aise. On monte vers le stade où se trouve le ravito.

7è ravito : Hell bourg. Il pleut, la nuit commence doucement à arriver. Je change les chaussettes, je mange chaud, je bois. José marque le pas. On se couvre et on repart.

En résumé : la perte de temps n’est pas de notre fait mais bien du parcours. Je pense m’en être relativement bien sorti. J’aurai sans doute pu être plus rapide, sans pour autant y laisser trop de forces. Outre des qualités de pied peut être légèrement supérieures, il y a sans doute aussi de la fraîcheur et de la lucidité. Qu’est-ce qui a fait la différence entre José et moi ? Peut-être la gestion de course plus prudente au début ; la résistance au sommeil grâce au travail de nuit ; la fatigue nerveuse moins importante due à une crispation moindre sur les passages techniques ; plus de décontraction par rapport aux barrières horaires. Qui sait ? Mais toujours est-il que je suis dorénavant plus frais que José.

IV Hell bourg-Cilaos

C’est parti pour la montée jusqu’au cap Anglais d’abord puis jusqu’au refuge de la caverne Dufour ensuite. La montée est interminable. Je doute du podomètre qui n’avance pas, si ce n’est l’altimètre. La nuit tombe bientôt. On monte on monte et on monte encore. José est à la peine derrière moi. On double pas mal de monde mais sa douleur au genou (souvenir de Bélouve) l’handicape pas mal. Au cap Anglais on sort de la forêt et on retrouve un temps plus froid et venteux. On se couvre. Je mange des petits saucissons qui me tentent plus que le sucré. Inexorablement je prends de l’avance sur José. Je l’attends, repars avec lui et reprends de l’avance. La pente s’adoucit alors que l’on s’approche du refuge. J’ai l’impression d’être dans les calanques, avec des dalles de pierre et une végétation qui, de nuit, y ressemblent.

Au refuge j’ai à nouveau un peu d’avance sur José. On se ravitaille un peu avant de repartir pour la dernière étape du jour, la descente sur Cilaos. Je pense que le plus dur est fait alors qu’il reste à venir.

La descente est un calvaire. Cilaos est en vue, en bas. On la voit à la toucher. Je sais que la route marquera la fin du parcours, un dernier petit km avant le repos, le ravito et surtout Marie et Jules. On a pas mal d’avance sur les barrières horaires et je savoure déjà la possibilité de récupérer, dormir et profiter de ma petite famille. Je me dis que dans 2 heures on sera en bas et j’en informe Marie. C’est maintenant moi qui ai des fourmis dans les jambes. Hélas, cette descente sera celle de trop pour José. On mettra près de 2h de plus que prévu. Ça n’en finit pas. Chaque pas est pour lui une nouvelle douleur, une épreuve. Il boite de plus en plus, d’autant qu’il doit freiner sur sa jambe douloureuse. Et à chaque fois, on pense que c’est bientôt fini. On a envie d’en finir avec cette partie tous les deux et c’est terrible. Lui parce qu’il ne peut aller plus vite et qu’il a mal. Moi parce que je voudrai filer et retrouver les miens mais que je tiens à continuer à ses côtés. Je vois également notre avance et donc notre repos s’amenuiser, me mettant une pression supplémentaire pour le lendemain. A un moment je l’entends accélérer, courir et je me lâche enfin, tout au plaisir de courir et de rattraper un peu notre retard. Il me faudra un moment pour me retourner et me rendre compte que ce n’est pas José... et l’attendre durant de longues minutes stressantes, de peur qu’il se soit fait mal dans l’entre deux.

Puis c’est la route. On va arriver ! Je lâche José dans Cilaos, trop pressé de retrouver les miens. Une douche (froide) un change complet. J’attends José qui est passé par la case médecin. Le repas est morne, tiède et déprimant. Tendinite des adducteurs. Il ne se voit pas continuer. On va se coucher à 1h, réveil à 2h. Mauvaise nuit dans une tente très bruyante.

En résumé : c’est la suite logique du paragraphe précédent. La douleur et les efforts consentis ont eu raison du genou de José. Peut-être une préparation physique plus poussée aurait-elle pu faire la différence. Ou une gestion de course plus prudente au début. Toujours est-il que son moral en a pris un coup, d’autant que je suis toujours d’attaque alors qu’il peine. Cela a sans doute joué dans sa décision de ne pas continuer. Peut-être aurais-je dû le motiver à ce moment-là. Sans doute aussi que de voir Gérard jeter l’éponge a joué. Question gestion de cette partie, sans doute aurais-je pu la faire beaucoup plus vite mais vu que j’ai pris la tendinite le lendemain, quel en aurait été le gain ? Par contre, le sommeil me semble plus que primordial et il aurait sans doute mieux valu être dans une tente plus éloignée et plus calme pour mieux en profiter. Prévoir peut être les boules Quiès ou de dormir dans une voiture comme certains ont fait (meilleur sommeil et stress en moins pour le départ le lendemain puisqu’on n’a pas à se réveiller impérativement avant la barrière horaire de sortie du stade de Cilaos).

B Seul

I Cilaos-Marla

Je pars donc seul à 2h du mat. Le petit dej’ est sordide, froid et lugubre. Moi qui avais tant apprécié Cilaos l’année dernière je ne la reconnais pas cette nuit-là. J’ai froid. Je marche puis cours direction Bras Rouge. On descend dans le fond de la rivière que l’on traverse plusieurs fois. On est quelques-uns, égarés, sur le chemin. Ça remonte enfin, début du Taïbit que j’avais reconnu l’année dernière. Dès que ça monte ça va mieux et je commence à reprendre du monde. Je suis euphorique. Mon blues d’être seul disparait peu à peu alors que je me fais une raison de continuer seul. Je retrouve la route et un ravito à l’ambiance du tonnerre.

1er ravito : café, barres de céréales, dynamalt, petits pains, je mange beaucoup en prévision de la suite. Je commence la montée dans les pieds de trois locaux qui parlent un créole incompréhensible pour le z’oreille que je suis. Je sens la fatigue me tomber dessus dans la montée. Le jour est encore loin et je me souviens d’une petite clairière aux 2/3 de la montée où je compte me reposer. Je suis au radar le point rétro-réfléchissant des chaussures du local devant moi, éclairé par ma frontale.

Arrivé à la clairière, 45’ de dodo, réveillé par un spectateur qui voulait être sûr que tout allait bien pour moi. Je repars transi de froid. Le col arrive avec le jour. Je descends sur Marla et là, la tuile. Une douleur sur le TFL. Je ralentis le rythme et rejoins Marla. J’y déjeune, m’étire, enlève les épaisseurs devenues inutiles et repars.

En résumé : que dire ? Je ressens ce qu’a ressenti José la veille. La douleur arrive et elle ne me lâchera plus. Aurais-je pu la retarder ? Comment ? Je n’en sais rien. Qu’y a-t-il à améliorer sur cette partie. Sans doute le sommeil. Pas très éthique mais un dodo dans une voiture voire dans une chambre aurait été plus profitable.

Le ravito du départ de Cilaos est à proscrire. Prévoir de quoi tenir jusqu’à celui du Taïbit, 7 km plus loin.

II Marla-Deux bras

Au début la douleur est supportable mais elle s’amplifie au fur et à mesure. On descend à la rivière des galets que l’on traverse à un petit ravito. Puis c’est Trois Roches puis montée et descente sur St Paul. La douleur ne me lâche plus. Je cherche désespérément un bâton pour amortir les appuis. Je commence les antalgiques avec 2 doliprane. Les di antalvic suivront.

St Paul m’apporte du réconfort. J’y mange, trouve un bâton abandonné par un concurrent et m’y fait poser un strapping par un infirmier. Je repars avec une douleur moindre. Petite montée et plat jusqu’à la Brèche. La douleur revient tout de suite après, dans la descente jusqu’à la ravine. Plat et montée finale pour l’ilet des orangers. Ravito, recharge en flotte, descente à nouveau dans la rivière puis on suit la canalisation des orangers. Je me joins à un groupe et force l’allure pour rester avec eux, histoire de penser à autre chose que la douleur. Descente encore jusqu’à la passerelle.

De là 3 km de montée puis descente à nouveau jusqu’à la rivière des galets. Quelques passages à gué et me voici à Deux Bras. Enfin ! J’ai traversé Mafate ! Mais que de douleurs !

Au ravito, massage qui m’a fait énormément de bien. Repas chaud et 1 h de dodo dans une tente très bruyante. Je récupère mes affaires, je me change complètement. Je repars à la nuit tombante.

En résumé : peu de souvenirs de cette partie à cause de la douleur. C’est en fait une descente continue avec quelques portions plates et des raidillons traitres. Sans douleur ça se fait sans problème voire il y a moyen de courir.

Les ravitos sont bien placés et proposent ce qu’il faut. Par contre c’est en pleine journée et il faut prévoir de quoi boire en quantité. Toujours le même problème question dodo. Beaucoup de bruit mais c’était nécessaire vu la fatigue.

III Deux bras-la Possession.

C’est une partie courte mais qu’est-ce qu’elle m’a paru longue ! Ça commence par la montée de Dos d’âne. J’ai mis environ 1 h pour la faire. La nuit tombe mais ne me gêne pas. Pas de douleur en montée, j’ai même un bon rythme et je remonte quelques concurrents.

A Dos d’âne je retrouve à la fois la route, le portable et les spectateurs. Chaude ambiance. Pas de ravito, je repars donc doucement. J’ai mal étudié cette partie de la course et pour moi la Possession c’est juste là, juste à côté. Quelle erreur ! Je commence donc à descendre sur la route puis sur un chemin style DFCI, puis on croise à nouveau la route et là on descend une pente vertigineuse, très glissante, où l’on se tient d’arbuste en arbuste. Une horreur ! Heureusement le genou ne me fait plus mal. Puis l’on se perd dans des ravines, on monte, on descend, on remonte. J’ai l’impression de faire des Km inutiles. On est dans des faubourgs de je ne sais quelle ville. Puis on retrouve une route. Un ravito. Route à nouveau. Je ne sais plus où est la Possession ni à combien j’en suis. Je ne veux pas me fier aux données du podomètre, ni au road book qui me donnent encore plus de 10 km et pourtant c’est eux qui ont raison.

Je continue à descendre sur la route puis prends un chemin. Une DFCI que je suis sur plusieurs km. J’en ai marre et j’accélère le rythme. Bien mal m’en prend, j’ai la douleur qui revient alors que je descends sur la Possession. Une descente traitresse, pleine de petites descentes caillouteuses. La fatigue et l’impatience font en font une partie difficile. Encore un tour dans les faubourgs, et j’arrive enfin, accompagné sur les derniers mètres par Marie, au ravito de la Possession. Repas, habillage. Temps câlin avec Jules, retrouvailles avec José. Un bout de pizza qu’ils m’avaient gardé et je les vois repartir pour la Montagne où ils vont dormir. A demain. A moi la dernière nuit et la dernière étape.

En résumé : partie difficile moralement. Elle ne présente pas de difficulté sauf la partie de descente qui est, pour le coup, très technique. Dure moralement car on voit au loin des villes sans savoir où l’on doit aller. De plus le parcours n’est pas clair et l’on a l’impression de faire de km pour rien. Très usant, surtout avec la fatigue.

IV la possession-la redoute

Enfin la dernière partie. 20km. Marseille-Cassis. Je quitte la Possession en prenant le chemin des Anglais. Zone pavée, très mal pavée en fait. Les pierres sont disjointes. Ça demande pas mal d’attention. Montée d’abord, raide mais sans difficultés puis plat plus ou moins vallonné puis descente jusqu’à Grande Chaloupe. Je me joins à un groupe pour tenir le rythme et penser à autre chose. Ils me lâchent dans la descente, je les retrouve au ravito de grande chaloupe mais repars avant eux. Je veux en finir. On recommence. Montée, plat puis les pavés s’arrêtent et on continue sur une DFCI large et roulante. J’accélère. Je quitte mon bâton qui m’a supporté depuis St Paul. On suit une route qui monte à la Montagne, faubourg de St Denis. Je double pas mal de monde et je retrouve Hugo, que l’on a rencontré dans la descente sur Hell Bourg. On discute sur la route qui serpente entre les maisons. Je suis tout près de mon « fan club » mais je n’ose pas les réveiller. C’est bizarre, chaque maison pourrait être la leur. Ça monte tout du long. Je fatigue beaucoup et titube. Je laisse Hugo et me repose dans un abribus alors que je ne suis qu’à 11 km du but. Mais je suis trop fatigué, ce serait dangereux avec la descente qui m’attend. Et puis je suis dans les temps et je voudrais bien arriver au stade avec le jour. Je dors 30’ dans mon abribus, tous mes vêtements sur moi. Le réveil sonne. Je repars, transi de froid. Encore environ 1 km de montée avant de quitter la route à la Fenêtre.

On monte dans un chemin glissant et humide. Je trouve un autre bâton. On n’est pas nombreux ici. Je double quelques concurrents des 3 courses. Le genou me laisse un peu tranquille. Ça descend fort. Je m’aide du bâton et serre les dents. Le soleil se lève. C’est magnifique. On est sur une crête avec un cirque géant à côté. Puis ça descend encore et on retrouve la civilisation, un golf en l’occurrence, avec le ravito du Colorado. 5 km environ de descente jusqu’au stade. Un dernier café, des remerciements aux bénévoles et je me lance pour ma dernière étape. On est un petit groupe, on discute, on blague. Plus rien ne nous empêchera d’arriver à bon port. Je contacte Marie et José plusieurs fois pour leur annoncer mon arrivée de plus en plus imminente. Je lâche mon groupe, euphorique. Je double Hugo qui est à la peine. Je cours, je fonce. Je n’ai plus mal. Je n’ai plus peur. C’est comme un poids qui se serait soudain levé de mes épaules avec la descente.

Elle est pourtant technique cette descente, avec des passages de terre glissante, des rochers, des racines. Une dernière photo avant de retrouver la route. J’ai doublé je ne sais combien de concurrents. J’en double encore sur la fin. Les spectateurs sont là, m’applaudissent. Je vois au loin l’entrée du stade avec mes supporters attitrés. Une voiture me klaxonne, il faut dire que j’ai les bras levés, que je saute comme un cabri. Je l’ai fait ! J’embarque Jules, Marie photographie à côté. José suit mais je sens que c’est difficile pour lui. On arrive au stade. Une main pour mon fils, une pour ma chérie. Des photos encore et la ligne. Je me souviens cette vidéo de l’édition précédente. Ces deux potes qui franchissent la ligne ensemble et ce commentaire : « la joie que seuls les ultratraileurs peuvent connaître ». C’est ça. Il n’y a que le long qui puisse donner ces émotions.

Le T-shirt, la médaille. Je ne me sens pas fatigué, capable de marcher, de blaguer, de trinquer avec Hugo, de retrouver les miens. Je viens pourtant de faire une balade de trois nuits et deux jours, quasi non-stop. 57h07 minutes.

En résumé : partie finale qui m’a paru plus facile que le reste. Elle comprend pourtant des zones piège comme les secteurs pavés très traitres, surtout de nuit et surtout en descente. Deux ravitos, dont celui de la grande chaloupe, assez espacé du Colorado. A la rigueur, de nuit on peut s’y arrêter que peu de temps comme je l’ai fait, si l’on s’est bien ravitaillé à la Possession. Celui du Colorado peut être zappé sans vergogne pour gagner quelques minutes.

 

Conclusion

 

Si je devais refaire la course voici quelques réflexions. Question nourriture prévoir peu mais du salé. Les petits saucissons publicitaires sont mieux passés que tout le reste. De la viande de grison aurait pu convenir aussi. Les barres de céréales et autres coups de fouet sont superflus. Un de chaque suffisent largement, plus pour se rassurer d’ailleurs que pour réellement les utiliser. Par contre les doses de produit énergétique prêtes à l’emploi ont été très utiles.

Certains ravitos auraient pu être zappés ou du moins raccourcis. Mais au final, est-ce que ça aurait changé grand-chose ?

Comme toujours ce qui est proposé sur les ravitos suffit pour tenir sans problème durant la course. D’autant que le rythme cool permet de digérer sans problème.

Par contre la petite bouteille d’eau que j’ai récupérée presque par hasard au ravito du départ a été salvatrice. Je pense que je n’aurai pas tenu sans elle. Le produit énergétique a ses limites et au bout d’un moment le dégoût du sucré ne m’aurait pas permis de continuer.

Question matériel, les chaussettes de rechange ont été une riche idée, surtout après la boue. Tout comme les changes complets à Cilaos et à la Possession, ainsi que le changement de chaussures. Le caleçon long n’était pas superflu non plus. Seuls les gants de vélo auraient pu être troqués contre des mitaines ou des gants plus fins. Mais avec une seule paire j’avais chaud et une bonne protection des mains.

Par contre la bêtise a été de ne pas avoir assez étudié le règlement. Un bâton en bois à bout non ferré était autorisé. Nous aurions dû prendre un manche à balais dès le départ. Peut-être aurait-il été gênant à certains moments mais il aurait pu amortir les descentes et retarder l’apparition des douleurs. Sans parler de l’aide que cela aurait été dans la boue. Une autre option serait de l’avoir à Cilaos, pour la deuxième partie.

Contrairement à ce que craignait Gérard, le road book était assez précis. J’aurais dû plus me fier à lui dans les moments difficiles plutôt que de le mettre en doute. Cela m’aurait permis de mieux appréhender les distances la nuit, particulièrement avant la Possession.

Question préparation, heureusement que j’ai fait des montées et descentes de marche avant la course. Sinon je n’aurai sans doute pas pu passer Cilaos. Je dois mieux me préparer avant une telle course, sous peine de tendinite, ce qui est, somme toute, assez logique. Mes nouvelles semelles et le changement de prise en charge médicale m’aidera, je l’espère, à améliorer cet aspect.

 

 

 

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