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ultratrail - Page 4

  • 1ere étape

    Nous nous levons avec le jour. Ça y est, les affaires sérieuses commencent. Dernier petit dej que nous n’aurons pas à porter. Autant se faire plaisir et se rassasier au max. Jus de fruit, café, céréales, saucissons, banane et j’en passe.

    C’est aussi le moment de dire adieu à mes matelas et affaires que je compte laisser au départ. Ils profiteront aux berbères qui s’occupent de démonter nos tentes. Vieux T-shirt, vieux sweatshirt, blouse, matelas, j’aurai pu rester au chaud et dormir confortablement sans avoir à utiliser mes affaires de course.

    Puis nous gagnons la ligne de départ. Traditionnelle photo où nous formons le nombre 29, pour la 29è édition, sous le ballet des deux hélicos qui nous survolent. On se rapproche du sas de départ. On boit autant que l’on peut, on s’encourage, tandis que juché sur son camion, Patrick Bauer nous fait son speech de départ. Stress oblige je passe mon temps d’attente à pisser, pisser et pisser encore. Je me demande encore une dernière fois ce que je fous là. Quand je croise les regards des autres, je me rends compte que je ne suis sans doute pas le seul…

    Puis au son d’Highway to Hell nous nous élançons. Le palpitant est un peu trop haut, le rythme sans doute trop rapide mais on ne peut s’en empêcher. Sébastien et Pierre partent comme des balles, David est déjà très loin devant. Rémy et Michel nous suivent plus prudemment. Je réfrène Guy sur ces 3 premiers kms de plaine caillouteuse. Devant nous c’est les dunes qui nous attendent et on a quand même 250 kms de course à se frapper.

    Première tuile, je sens mon sac de couchage ballotter dans mon dos. Les attaches que j’avais prévues ne remplissent pas leur rôle correctement. Guy bidouille un truc et on repart.

    Les dunes, enfin, déjà. Là deux écoles s’affrontent vite. Les bourrins qui tracent tout droit quel que soit le sable sous leurs pieds et ceux qui cherchent à trouver du dur, donc du moins fuyant, quitte à faire quelques mètres en plus. Vu mon gabarit léger, j’opte très vite pour la deuxième solution. Ça me rend plus actif, fais travailler ma tronche et cela me fait sortir des sentiers battus (et rebattus par des centaines de pieds). J’aurai ainsi la possibilité de faire mes propres traces, de me sentir seul dans le désert (tout en n’étant finalement qu’à quelques mètres de la foule, juste derrière une dune…).

    Qu’elles sont belles justement ces dunes, jaunes orangées, parsemées de buissons, d’herbes, d’arbustes. Et puis c’est féérique de passer comme ça de moutonnement en moutonnement, de colline en colline, en ayant devant comme derrière (heureusement !) un long filament de coureurs. A décrire ces moments, je me remémore ces premières dunes et donc ces premiers appuis dont il fallait faire l’apprentissage, si éloignés de ce que j’avais pu préparer en France. Je ressens encore la chaleur qui monte du sol, le petit vent qui nous a permis de la supporter. Je me remémore cette lumière si particulière, mais également ce bédouin juché sur un 103 hors d’âge qui surfait littéralement sur les dunes pour nous voir et échanger quelques mots avec nous. Je me souviens de ce campement fait de bric et de broc que Guy m’a présenté comme un bivouac pour touristes qui découvrent ces dunes en promenades à dos de chameau. Et puis toujours les hélicos qui nous longent, nous frôlent presque, les 4x4 qui nous guident, nous suivent, nous canalisent. Une ambiance qui me rappelle la plaine des sables lors de la diagonale, le sentiment de vivre un truc de fou une fois encore.

    Les heures passent et on atteint le point culminant des dunes de l’erg Chebbi. Où que porte le regard, des dunes, du sable. Et des coureurs si loin déjà. Quelques kms plus loin un 4x4 nous informe qu’il nous faut prendre à gauche. Oui mais devant ils sont tous partis tout droit. Moment de doute, de tergiversation avec Guy. Lui voudrait suivre le flot de coureurs, moi suivre les instructions des commissaires de course. Finalement je l’emporte. Gros doute et gros stress. On est peu de coureurs à suivre ce chemin, il n’y a aucune trace devant nous à suivre. S’ils se sont foutus de nous on va se retrouver paumés au milieu des dunes. Guy me met grave la pression, d’autant que ça monte cher. Je m’obstine, on s’obstine et finalement, quasiment une heure plus tard, le premier CP est en vue. Yes ! D’autant que l’on voit un grand ruban de coureurs venir de la droite, passer le CP et repartir en direction opposée. Ils auront bouffé des kms en plus, en trop !

    Premier CP et premières bouteilles. On boit, on repart sans traîner. C’est qu’il y a encore de la route à faire. Et puis un CP ce n’est pas un ravito, comme j’en ai l’habitude. Une fois que les bouteilles sont prises et que le pointage a eu lieu, rien n’oblige à rester, du coup ça va vite.

    Fini les dunes, voilà une plaine coupée d’une piste sableuse, grise, presque noire que l’on va suivre. Ça fuit un max sous les pieds, il fait une chaleur à crever, c’est monotone. On mange un peu, ça fait passer le temps, on essaie de se motiver. Le rendement est merdique et ça dure. Tiens un autochtone coupe la piste. Il n’y a pourtant rien à droite ni à gauche. D’où vient-il, où va-t-il ? Magie du désert.

    Guy est déjà passé dans le coin, il m’en parle un peu, c’est toujours un moyen de s’évader un peu de l’effort et de la chaleur. Il me parle d’une mine de fer tenue à l’époque par les Français pas très loin d’ici. On quitte enfin cette fichue piste. Devant nous un « champ » de petites pierres noires. Une trace de 4x4 que nous suivons. Une colline en face, c’est la fameuse mine que nous allons découvrir. Avant d’y arriver nous traversons de vieilles constructions en pierre et torchis. C’est le village de M’Fiss.  Ambiance d’un autre temps. Puis, au col, la fameuse veine. Le fer n’est plus rentable, les Marocains y cherchent désormais du quartz. On franchit le col et on arrive bientôt au 2e CP.

    Rituel des bouteilles d’eau, du pointage et on repart pour la dernière étape du jour. On serpente dans des collines où se mêlent sable et pierres puis on suit un oued (Roub’in Oud) où l’on retrouve Sébastien. Nous qui croyions l’avoir loin devant nous ! Il a perdu du temps dans les dunes, victime collatérale des erreurs d’orientation. On fera un bout de chemin ensemble, à serpenter dans l’oued. Le genou de Guy fait des siennes. Il peine à suivre, on l’attend et on l’encourage. Il reste peu à faire, on voudrait terminer ensemble.

    Puis à la sortie de l’oued, encore des dunes, celles de l’erg Znaïgui, tout un cordon à grimper et à franchir avant d’arriver au campement. Guy est à la peine, il me dit de filer. Je cherche à suivre Sébastien mais finalement je fais vite ma trace, parallèle à celle des autres. C’est magique ce petit moment quasi seul à suivre la trace d’un unique concurrent qui m’a précédé. Selon le terrain je suis à quelques dizaines de mètres de tous les autres, pas plus. Mais c’est suffisant pour me sentir en plein désert. Parfois je contourne une dune et passe dans un « creux ». Plus aucun son, plus personne alentour. L’impression fugace d’être le premier à découvrir cet endroit.

    Puis on arrive au « col ». Devant nous le campement apparaît. La fatigue s’envole, je franchis cette première ligne d’arrivée. Je suis fourbu mais heureux et rassuré. Je cherche des yeux la webcam pour rassurer les miens qui sont peut-être rivés devant leur écran. Le physique tient, le moral aussi. Le matériel a brillamment rempli son office. Je bois mon thé à la menthe, récupère mes bouteilles d’eau et rejoins ma tente 12.

     Tout au long des heures suivantes, les arrivées s’égrènent, les souvenirs fusent, les anecdotes aussi, les impressions, les craintes… finalement tout le monde s’en est plutôt bien sorti mais on trouve quand même que l’on a plus souffert que ce à quoi on s’attendait. Corvée de bois, repas lyophilisé, toilette de chat, passage à la tente internet et gros dodo. Rideau sur cette première journée.

    Etape 1 : 34kms. 7h03’52. 5,24 km/h

    Mail envoyé : La course est rude mais tout se passe bien. Physiquement ça tient. 
    Pour jules : un gros bisou. Je t'aime.

    Je n'ai pas beaucoup de temps. Il file. J'embrasse tout le monde.
    A vite.

    Nico.

  • Le MDS. Intro.

    Ce MDS 2014 est sans doute l’une des expériences les plus enrichissantes de ma vie sportive. Je vais essayer, en quelques mots, de vous décrire une partie de cette course mythique.

     

    Le MDS est particulier sur de nombreux points. C’est une course à étapes, ce qui nécessite une gestion sur plusieurs jours : gestion de l’effort à fournir, de la récupération pour partir à nouveau le lendemain. C’est aussi une course en autosuffisance alimentaire, donc une gestion de ce que l’on va manger et du ratio poids/calories, tout en tenant compte également de l’appétence pour le sucré et/ou le salé et de la récupération évoquée plus haut. Enfin le MDS c’est aussi le sable, le désert, la chaleur.

    Ça c’est ce que j’avais anticipé. Mais ça a été aussi et peut être surtout une parenthèse dans ma vie, un moment à part. Ça a été des rencontres humaines très fortes, souvent très belles. Un voyage intérieur à certains moments, un voyage vers les autres également.

     

    Le 03/04/2014, je quitte Marseille, direction Paris. Dans la navette qui m’amène à Orly où se trouve mon hôtel, je croise  un premier blouson MDS, porté par un espagnol. 2 mots échangés, dont un « à demain » qui lance l’aventure. A l’hôtel, grosse concentration de chaussures de trail entourées de velcros (pour y fixer les guêtres) et de T-shirts microfibres ventant telle ou telle course. Un signe de tête, un regard, on se reconnait parmi les clients « habituels ».

    Le soir Yves, un concurrent contacté grâce à l’organisation, me rejoint pour partager la chambre d’hôtel. C’est autant d’économisé pour chacun. Une nuit courte à gamberger plus tard, le temps est venu de l’enregistrement des bagages. Premiers gilets beiges des commissaires de course, hyper concentration de trailers au m². On se jauge, on s’estime tout en discutant et en blaguant. « C’est ton premier ; t’as fait la diag, l’UTMB ? ». On croise des célébrités du petit écran ou du monde du trail, tous très accessibles et sympathiques.

    Comme on flippe tous de voir se perdre notre précieux sac de course durant le transit, on le garde avec nous en cabine. On a l’air malin avec notre pack avant, notre duvet, notre matelas et nos gourdes à pipettes qui pendent de part et d’autre… Je revois la tronche hilare du douanier à qui l’on explique que l’on a payé pour aller courir 250 km dans le désert marocain. On lui a égayé sa journée !

    Quelques heures de vol plus tard, atterrissage à Ouarzazate. On y est ! L’Atlas en toile de fond, tout enneigé au petit matin, le sable, la chaleur déjà. Les bagages sont à peine récupérés que nous voilà embarqués dans des cars pour 350 kms et 6 h de trajet, direction Merzouga et ses célèbres dunes, les plus hautes du Maroc. A mi-trajet pause où l’on nous remet un sachet piquenique accompagné d’un morceau de pain berbère (moelleux comme de la brioche et légèrement sucré, un délice) et de notre première bouteille de Sidi Ali, eau minérale sponsor de la course et compagnon de nos efforts.

    Puis c’est enfin l’arrivée au campement, avec ses trois cercles concentriques de tentes marabout. Des commissaires de bivouac m’orientent vers une tente à compléter. Ce sera la 12.

  • La tente 12

    La tente 12, ce sera mon foyer durant ces quelques jours. Rien ne la distingue de ses voisines. Elles sont toutes noires, constituées d’une « toile » en grosse laine maintenue par 4 gros « piquets » et six petits, avec un tapis berbère au sol. Un toit sommaire avec deux pans de murs seulement, et donc deux ouvertures, que l’on peut plus ou moins refermer pour se protéger du vent.

    Lorsque je m’y rends, la tente est occupée par deux personnes. Commençons les présentations. Tout seigneur, tout honneur, le premier sera Michel. C’est notre doyen. Il a déjà fini le MDS il y a sept ans. Il court depuis vingt ans et parcourt environ 100 kms chaque semaine. Parmi son entourage, peu le donnent gagnant lorsqu’il évoque son projet. Il faut dire que Michel a 69 ans… Il nous aura causé du souci, chacun d’entre nous se demandant s’il arriverait le soir  l’étape, et quand, et dans quel état. Il sera pourtant finisher de son 2ème MDS, et pas forcément le dernier…

    Le deuxième occupant est Guy. Lui et Michel sont partenaires du même club de triathlon, sur Arles. Lorsque Guy a évoqué le MDS, Michel a répondu présent, comme il l’avait fait pour la diagonale, en 2011, la même année que moi. Guy c’est devenu « papa » pour moi durant ce MDS, un gars un peu plus âgé mais qui vibre pour les mêmes trucs que moi. Embrun, Nice, MDS, diagonale… Il est déjà passé par l’UTMB là où je suis passé par Roth ou Lanzarote… Proche quoi ! De niveaux quasi identiques, on a parcouru pas mal de kms ensembles ou pas loin. Si j’ai eu un plus le feu sur la longue, il l’a eu lui sur le marathon, me déposant sur place, à son corps défendant. C’est un mec avec qui je me sentirai bien de parcourir à nouveau un bout de chemin. D’ailleurs, quand quelqu’un autour de nous a évoqué la Badwater, on s’est regardé…

    David a été le quatrième à rejoindre notre tente. David c’est encore un autre profil. Marchand de cycle sur Tarascon, ancien coureur de 10 000, ancien commando, c’est une fusée sur pattes, sur laquelle on a greffé une sacrée caboche au mental d’acier. « Embauché » pour compléter le Team Maroc, il a plus que transformé son premier essai sur l’ultra en rentrant dans les 50 premiers (46è !). En plus de ce performer de haut niveau, j’ai découvert un mec super, avec qui on a pu beaucoup échanger, qui était toujours dispo pour aider, conseiller, encourager. Bravo l’artiste !

    Plus tard dans la soirée, la tente s’est remplie de ses trois derniers occupants. Commençons par Sébastien. Encore un gars super. Très bon coureur sur route et sur trail plus ou moins urbains, il s’est lancé dans son premier ultra avec le MDS, que sa femme lui a offert comme cadeau il y a deux ans (je sais ce que certains diront, on a des cadeaux bizarres des fois…). Coup d’essai coup de maître, il termine très bien classé avec une régularité étonnante durant toute la semaine. Je suis sûr que c’est un gars que l’on retrouvera sur du long voire du très long dans les années à venir. Si j’ai bien compris, la diagonale semblait lui faire du charme…

    Autre arrivant, notre toubib, Pierre. Marseillais d’origine, il a pas mal bourlingué outremer avant de poser ses valises à la Réunion, où il en a bien entendu profité pour se frotter avec succès à la diag. D’un naturel réservé, il nous a apporté ses conseils et sa compétence durant tout le séjour. Et au-delà, il finit super bien lui aussi, très régulier et finalement aussi à l’aise dans le désert qu’il l’a été dans les cirques Réunionnais.

    Et puis il y a Rémy ! Rémy, quand je l’ai vu débarquer, je ne le donnais pas gagnant. Contrairement à la plupart d’entre nous il ne semblait pas très affuté, pour ne pas dire pas affuté du tout. Comment dire, il ne portait pas que son sac… Et son sac justement, lorsqu’il nous l’a montré le matin des contrôles, il me semblait plus rempli et plus lourd que le mien. Un tapis de sol immense, dans lequel il roulait duvet et vêtements de rechange, ce qui donnait un étrange saucisson très volumineux, un couteau suisse qui devait friser le demi-kilo à lui seul, et de la bouffe, de la bouffe. On rigolait en lui promettant qu’il serait le seul à prendre du poids durant la semaine. D’autant qu’il n’avait rien reconditionné et que tout ça faisait de la masse et du volume en plus. Mais Rémy c’est un gars qui écoute. Prudemment il a laissé dans sa valise tous ses desserts, histoire d’alléger un peu. Après le contrôle, on s’annonçait tous le poids de nos sacs. 7.5 kg pour le mien, 13 pour le sien ! Après la première étape, il laissera aux Marocains qui démontaient nos tentes plusieurs plats lyophilisés. Malgré tout, lorsque le 3è jour on verra l’intérieur de son sac, on constatera avec humour qu’il contenait encore plus de lyophilisés qu’un rayon de Décath.

    Mais au fil des jours, Rémy n’a pas perdu de poids que dans son sac. Si l’on en a tous perdu, c’est sans doute chez lui que ça a été le plus spectaculaire. Vu le résultat on le chambrait en lui suggérant que sa femme l’inscrirait d’office chaque année dorénavant.

    Arrêtons sur le poids, ce serait trop réducteur de ne résumer Rémy qu’à cela. Car ce mec mérite vraiment que l’on s’y arrête. Comme lorsqu’un soir on discutait de nos temps sur marathon et qu’il nous avoue l’air gêné qu’il ne vaut « que » 3h07 sur la distance. Ben merde, il me met 25 minutes, et 5 sur Sébastien qui n’a pourtant pas à rougir de ses 3h12. Lui comme nous en restons sur le cul. C’est pas n’importe qui le bonhomme ! « Oui mais ça fait longtemps s’excuse-t-il presque ». Oui ben moi c’était il y a déjà dix ans quand même…

    Et puis sous ses airs de gentil (pas brave comme on dit à Marseille et qui est péjoratif mais vraiment gentil), j’ai découvert un gars solide, avec un boulot haut placé dans une très grande entreprise. Et surtout sur la semaine, il sera hyper constant, s’accrochant sans soucis au rythme de la course et triomphant haut la main de son MDS. Bref, vous l’aurez compris, un homme qui m’aura bluffé sur plus d’un point et que j’ai vraiment pris plaisir à découvrir.

    Voilà notre tente 12, ma « famille » du MDS. Six compagnons de route durant ces quelques jours.