Nous nous levons avec le jour. Ça y est, les affaires sérieuses commencent. Dernier petit dej que nous n’aurons pas à porter. Autant se faire plaisir et se rassasier au max. Jus de fruit, café, céréales, saucissons, banane et j’en passe.
C’est aussi le moment de dire adieu à mes matelas et affaires que je compte laisser au départ. Ils profiteront aux berbères qui s’occupent de démonter nos tentes. Vieux T-shirt, vieux sweatshirt, blouse, matelas, j’aurai pu rester au chaud et dormir confortablement sans avoir à utiliser mes affaires de course.
Puis nous gagnons la ligne de départ. Traditionnelle photo où nous formons le nombre 29, pour la 29è édition, sous le ballet des deux hélicos qui nous survolent. On se rapproche du sas de départ. On boit autant que l’on peut, on s’encourage, tandis que juché sur son camion, Patrick Bauer nous fait son speech de départ. Stress oblige je passe mon temps d’attente à pisser, pisser et pisser encore. Je me demande encore une dernière fois ce que je fous là. Quand je croise les regards des autres, je me rends compte que je ne suis sans doute pas le seul…
Puis au son d’Highway to Hell nous nous élançons. Le palpitant est un peu trop haut, le rythme sans doute trop rapide mais on ne peut s’en empêcher. Sébastien et Pierre partent comme des balles, David est déjà très loin devant. Rémy et Michel nous suivent plus prudemment. Je réfrène Guy sur ces 3 premiers kms de plaine caillouteuse. Devant nous c’est les dunes qui nous attendent et on a quand même 250 kms de course à se frapper.
Première tuile, je sens mon sac de couchage ballotter dans mon dos. Les attaches que j’avais prévues ne remplissent pas leur rôle correctement. Guy bidouille un truc et on repart.
Les dunes, enfin, déjà. Là deux écoles s’affrontent vite. Les bourrins qui tracent tout droit quel que soit le sable sous leurs pieds et ceux qui cherchent à trouver du dur, donc du moins fuyant, quitte à faire quelques mètres en plus. Vu mon gabarit léger, j’opte très vite pour la deuxième solution. Ça me rend plus actif, fais travailler ma tronche et cela me fait sortir des sentiers battus (et rebattus par des centaines de pieds). J’aurai ainsi la possibilité de faire mes propres traces, de me sentir seul dans le désert (tout en n’étant finalement qu’à quelques mètres de la foule, juste derrière une dune…).
Qu’elles sont belles justement ces dunes, jaunes orangées, parsemées de buissons, d’herbes, d’arbustes. Et puis c’est féérique de passer comme ça de moutonnement en moutonnement, de colline en colline, en ayant devant comme derrière (heureusement !) un long filament de coureurs. A décrire ces moments, je me remémore ces premières dunes et donc ces premiers appuis dont il fallait faire l’apprentissage, si éloignés de ce que j’avais pu préparer en France. Je ressens encore la chaleur qui monte du sol, le petit vent qui nous a permis de la supporter. Je me remémore cette lumière si particulière, mais également ce bédouin juché sur un 103 hors d’âge qui surfait littéralement sur les dunes pour nous voir et échanger quelques mots avec nous. Je me souviens de ce campement fait de bric et de broc que Guy m’a présenté comme un bivouac pour touristes qui découvrent ces dunes en promenades à dos de chameau. Et puis toujours les hélicos qui nous longent, nous frôlent presque, les 4x4 qui nous guident, nous suivent, nous canalisent. Une ambiance qui me rappelle la plaine des sables lors de la diagonale, le sentiment de vivre un truc de fou une fois encore.
Les heures passent et on atteint le point culminant des dunes de l’erg Chebbi. Où que porte le regard, des dunes, du sable. Et des coureurs si loin déjà. Quelques kms plus loin un 4x4 nous informe qu’il nous faut prendre à gauche. Oui mais devant ils sont tous partis tout droit. Moment de doute, de tergiversation avec Guy. Lui voudrait suivre le flot de coureurs, moi suivre les instructions des commissaires de course. Finalement je l’emporte. Gros doute et gros stress. On est peu de coureurs à suivre ce chemin, il n’y a aucune trace devant nous à suivre. S’ils se sont foutus de nous on va se retrouver paumés au milieu des dunes. Guy me met grave la pression, d’autant que ça monte cher. Je m’obstine, on s’obstine et finalement, quasiment une heure plus tard, le premier CP est en vue. Yes ! D’autant que l’on voit un grand ruban de coureurs venir de la droite, passer le CP et repartir en direction opposée. Ils auront bouffé des kms en plus, en trop !
Premier CP et premières bouteilles. On boit, on repart sans traîner. C’est qu’il y a encore de la route à faire. Et puis un CP ce n’est pas un ravito, comme j’en ai l’habitude. Une fois que les bouteilles sont prises et que le pointage a eu lieu, rien n’oblige à rester, du coup ça va vite.
Fini les dunes, voilà une plaine coupée d’une piste sableuse, grise, presque noire que l’on va suivre. Ça fuit un max sous les pieds, il fait une chaleur à crever, c’est monotone. On mange un peu, ça fait passer le temps, on essaie de se motiver. Le rendement est merdique et ça dure. Tiens un autochtone coupe la piste. Il n’y a pourtant rien à droite ni à gauche. D’où vient-il, où va-t-il ? Magie du désert.
Guy est déjà passé dans le coin, il m’en parle un peu, c’est toujours un moyen de s’évader un peu de l’effort et de la chaleur. Il me parle d’une mine de fer tenue à l’époque par les Français pas très loin d’ici. On quitte enfin cette fichue piste. Devant nous un « champ » de petites pierres noires. Une trace de 4x4 que nous suivons. Une colline en face, c’est la fameuse mine que nous allons découvrir. Avant d’y arriver nous traversons de vieilles constructions en pierre et torchis. C’est le village de M’Fiss. Ambiance d’un autre temps. Puis, au col, la fameuse veine. Le fer n’est plus rentable, les Marocains y cherchent désormais du quartz. On franchit le col et on arrive bientôt au 2e CP.
Rituel des bouteilles d’eau, du pointage et on repart pour la dernière étape du jour. On serpente dans des collines où se mêlent sable et pierres puis on suit un oued (Roub’in Oud) où l’on retrouve Sébastien. Nous qui croyions l’avoir loin devant nous ! Il a perdu du temps dans les dunes, victime collatérale des erreurs d’orientation. On fera un bout de chemin ensemble, à serpenter dans l’oued. Le genou de Guy fait des siennes. Il peine à suivre, on l’attend et on l’encourage. Il reste peu à faire, on voudrait terminer ensemble.
Puis à la sortie de l’oued, encore des dunes, celles de l’erg Znaïgui, tout un cordon à grimper et à franchir avant d’arriver au campement. Guy est à la peine, il me dit de filer. Je cherche à suivre Sébastien mais finalement je fais vite ma trace, parallèle à celle des autres. C’est magique ce petit moment quasi seul à suivre la trace d’un unique concurrent qui m’a précédé. Selon le terrain je suis à quelques dizaines de mètres de tous les autres, pas plus. Mais c’est suffisant pour me sentir en plein désert. Parfois je contourne une dune et passe dans un « creux ». Plus aucun son, plus personne alentour. L’impression fugace d’être le premier à découvrir cet endroit.
Puis on arrive au « col ». Devant nous le campement apparaît. La fatigue s’envole, je franchis cette première ligne d’arrivée. Je suis fourbu mais heureux et rassuré. Je cherche des yeux la webcam pour rassurer les miens qui sont peut-être rivés devant leur écran. Le physique tient, le moral aussi. Le matériel a brillamment rempli son office. Je bois mon thé à la menthe, récupère mes bouteilles d’eau et rejoins ma tente 12.
Tout au long des heures suivantes, les arrivées s’égrènent, les souvenirs fusent, les anecdotes aussi, les impressions, les craintes… finalement tout le monde s’en est plutôt bien sorti mais on trouve quand même que l’on a plus souffert que ce à quoi on s’attendait. Corvée de bois, repas lyophilisé, toilette de chat, passage à la tente internet et gros dodo. Rideau sur cette première journée.
Etape 1 : 34kms. 7h03’52. 5,24 km/h
Mail envoyé : La course est rude mais tout se passe bien. Physiquement ça tient.
Pour jules : un gros bisou. Je t'aime.
Je n'ai pas beaucoup de temps. Il file. J'embrasse tout le monde.
A vite.
Nico.