Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

ultratrail - Page 2

  • Etape 6

    C’est l’étape UNICEF, 7,7 kms banalisés pour rejoindre les cars qui nous ramèneront sur Ouarzazate. Autant le dire, c’est une étape qui pour une grande majorité des coureurs ne sert à rien et est vécue comme une contrainte absurde.

    Comprenons-nous bien, ce n’est pas l’idée de marcher pour l’UNICEF qui est en cause. Je suis tout à fait d’accord pour participer à une cause humanitaire. Encore que dans l’idée je préfère que l’on puisse me laisser le choix d’y participer plutôt que de me l’imposer. Après tout chacun pourrait avoir le droit de ne pas vouloir y souscrire, tout en souhaitant néanmoins participer au MDS. Non, là où ça m’a gonflé c’est le déroulement de cette étape. Déjà, ça nous oblige à une nuit de plus en bivouac et à deux repas supplémentaires à prévoir et à porter tout au long de la course. Puis, on reçoit la médaille de finisher mais il faut pour autant finir cette étape, sans enjeu. Renfiler les chaussures sur nos pieds plein d’ampoules pour marcher sur une piste sans aucune beauté (c’est sans doute l’étape la plus moche, avec, en plus le passage en périphérie de la ville, nous montrant ses plus moches atours, alors que nous aurions pu en profiter pour la traverser et en profiter).

    Près de 2 heures dans les dunes pour quoi au fond ? Une longue ribambelle de T-shirts bleus qui ont dû coûter une somme astronomique. Pour quel résultat ? A-t-on récolté des fonds grâce à cette étape ? Plus que le prix de l’organisation de cette étape, des T-shirts, du changement de dossards (tous nos dossards ont été changés la veille, pour les photos) ? Ou alors y-a-t-il eu une visibilité médiatique de cette opération, plus grande que les rares images de la course montrées en fin de journal dans les journaux nationaux ?

    A refaire, j’aurais préféré poursuivre l’aventure sur une vraie étape supplémentaire, chronométrée comme toutes les autres. Sinon, quitte à changer les dossards, j’aurai fait apparaît le logo UNICEF sur ceux-ci plutôt que de financer des T-shirts certes jolis mais coûteux au regard de leur utilisation (et si peu solides que le mien s’est retrouvé déchiré dès mon retour et a fini comme chiffon).

    Ou alors quitte à banaliser une étape, pourquoi la faire « subir » qu’aux seuls concurrents. Si le but était de se mobiliser pour la jeunesse, pourquoi pas inclure également les organisateurs et le staff médical, histoire de montrer que tout le monde est concerné, Patrick Bauer en tête. Ça aurait plus de gueule et plus de sens…

  • Et au final ce MDS ?

    Que retenir de ce séjour Marocain ? On va commencer par la course. Le MDS était ma première course à étapes. Ça change pas mal de chose. D’abord sur la gestion de la fatigue, de la récupération, de la succession des efforts. On part forcement en dedans, n’osant jamais se mettre dans le rouge, surtout quand le but est de finir, si possible bien, mais sans prétention particulière quant au classement.

    Ça veut dire aussi qu’une fois l’étape finie, il s’agit de travailler au plus vite et au mieux à la suivante. Etirements, récupération, alimentation, soins des pieds, sommeil, on réfléchit pas mal à la suite et on se concentre sur ces petits riens qui vont nous aider à aller jusqu’au bout. Chacun y va de ses vitamines, de ses acides aminés, ou de son petit sachet qui transforme une eau plate en eau gazeuse.

    Mais une course à étapes ça veut dire aussi plusieurs départs, plusieurs courses, plusieurs arrivées. Et finalement c’est retrouver régulièrement les mêmes concurrents à ses côtés, puisque nous avons tous un rythme donné qui nous donne une vitesse donnée. Des liens se créent avec des coureurs que nous croisons et recroisons au fil des jours.

    Enfin une course à étape entraîne des étapes, des moments où nous côtoyons aussi bien les anonymes que les pros. Et c’est toujours intéressant de voir et de discuter avec ceux dont la course est le métier. Voir quelles sont leurs stratégies par rapport aux nôtres mais aussi de désacraliser ces têtes d’affiche que l’on connait habituellement que dans les magazines, de discuter avec eux de leur quotidien et de leur vie, moins rose et idyllique que l’on pourrait le penser parfois.

     

    Le MDS c’est aussi ma première expérience de l’autosuffisance. C’est peut-être l’aspect qui m’a le plus plu dans ma préparation. Cogiter chaque élément, lire chaque forum, discuter avec ceux qui l’avaient déjà fait. Peser le pour et le contre de chaque objet, partir à la chasse au gramme inutile, chercher les meilleurs compromis tout en restant dans un budget serré. En ce sens je suis satisfait du résultat. Je n’ai commis que peu de « fautes » et tout mon matériel a bien rempli son office. J’aurai sans doute pu gagner encore un peu sur le poids, me défaire de quelques trucs dont je ne me suis pas servi mais finalement, tout en respectant scrupuleusement les désidératas de l’organisation, j’ai porté un sac au poids très raisonnable.

     

    Puis le MDS c’était aussi ma rencontre avec le désert. Des paysages grandioses, immenses, très variés. Une vie plus riche que l’on pourrait croire. De la chaleur certes mais pas que, et surtout pas aussi dure ce  à quoi l’on pourrait s’attendre. Et hors course, des paysages, des villes et des villages traversés, une ville, Ouarzazate où il fait bon flâner, des gens accueillants, serviables… Autant vous dire, j’ai bien envie d’y retourner…

     

    Surtout le MDS c’est plus qu’une course. Ne le résumer qu’à cela, ce serait très, trop réducteur. Mon MDS c’est aussi et avant tout des rencontres humaines. Ma tente 12 déjà. Des gars différents mais attachants, que je ne reverrai sans doute plus mais dont j’ai eu la chance de croiser la route.

    Et puis il y tous les autres, ceux croisés lors des étapes, ceux avec qui on échangeait quelques mots au bivouac, à la tente des docs.

    Puis les docs trotteurs bien évidemment, Milca en tête, mon ange gardien sur ce MDS, qui a su me remettre sur pieds, c’est le cas de le dire, à plusieurs reprises.

    Et puis les organisateurs, Patrick Bauer en tête. Tu nous en as fait baver durant ce MDS mais nous étions des victimes bien consentantes…

  • 4è étape

    La longue !

    On le sait, la course commence vraiment aujourd’hui. 81,5 kms nous attendent. C’est aussi le premier jour où le départ est échelonné. Les meilleurs partiront bien après nous et devront nous doubler. Sympa de les voir nous encourager au départ.

    Le début c’est une mise en bouche d’une petite dizaine de kms en longeant l’immense oued Rheris, jusqu’à CP1. De là très grosse montée pour sortir de l’oued par le jebel EL Otfal et continuer la route. L’oued étant circulaire, la route l’est, bien entendu, elle aussi. Du coup fidèle à moi-même, je coupe en direction du CP1, accompagné en cela par quelques coureurs. Guy, de son côté, reste sur la voie principale. Cette fois, et cette fois seulement, il aura eu raison. Je me retrouve dans un lac asséché dont la croute trop fine craque sous mes pas, demandant un effort supplémentaire pour avancer. J’essaie de marcher le plus lentement possible mais rien n’y fait, la croute casse et je m’enfonce dans une espèce de terre rouge très fine. Je râle mais finalement arrive quasi en même temps que Guy et Seb au CP1.

    Nous repartons tous les trois pour attaquer la montée du jour. Pierres d’abord puis sable puis blocs maintenus par du sable. Ça bouchonne devant nous et comme à chaque fois en trail, des voies parallèles sont vite prises d’assaut, au risque de faire tomber des rochers sur ceux restés en contrebas. C’est donc dans une pagaille indescriptible que nous arrivons au sommet, avec peu d’écart entre nous trois.

    La descente qui nous attend est très belle, dans des blocs de rochers. Au départ je reste sage et suis le mouvement mais devant je sens des gars pas très à l’aise sur une surface qui me rappelle mes chères calanques. Je double, double et double encore et rejoins Seb qui était parti un peu devant. Fin de la descente, j’ai bien dû gagner 50 places en un km. Arrivent des dunes avec, au loin, un immense lac asséché et une longue file de coureurs. Seb et moi posons l’option où l’on coupe au plus court, Guy suit le mouvement de la majorité. A nous le sable dur et quelques centaines de mètres en moins !

    Les dunes sont vites avalées et nous voilà sur le lac. La surface ressemble à un terrain de football en stabilisé, un petit gravier gris, très fin. Oui mais le terrain de foot fait plusieurs kms carrés, plat comme un discours politique, sans rien pour accrocher le regard, si ce n’est les coureurs sur notre droite sur une route quasi parallèle à la nôtre et au loin une petite éminence où est notre CP2. Plus de 6 kms de terrain stabilisé ! Musique dans les oreilles, on alterne, Seb et moi, course et marche, Guy faisant de même à notre droite. La sensation est indescriptible. L’impression de vivre un truc géant. On court sous un soleil d’enfer, dans une chaleur d’enfer, sans rien pour distraire le regard, vers un point de mire qui semble ne pas avancer, avec Daft Punk à bloc dans les oreilles… Sans doute l’un des moments les plus forts de la course.

    CP2 au sommet d’une mini colline. Seb s’arrête, Guy part comme une balle. Je marche derrière lui, parfois à moins de 25m rarement à plus de 100m… Mais il avance comme une bourrique, alternant marche et course, sans me permettre de le rattraper. Devant nous une faille dans l’immense cirque qui nous entoure. C’est la passe d’El Maharch. Le chemin est tout trouvé !

    Lorsque nous y arrivons c’est un oasis que nous trouvons. Un cadre magnifique au milieu de nulle part, des arbres, de l’herbe, des pubs pour un Lodge et un camping, avec site internet… C’est dans ce défilé que nous nous ferons doubler par les premiers. Impressionnant que de les voir courir sur les mêmes cailloux que ceux sur lesquels nous marchons, avec l’impression que pour eux c’est plat comme du bitume.

    Au sortir du défilé J’ai fini par rattraper Guy. On franchit un immense lac asséché. La réverbération est à son max. On double Nathalie et Frank qui font chemin communs. Je reste un peu avec eux alors que Guy file devant. Fin du lac, CP3.

    De là on grimpe dans une passe de cailloux et de sable. Rien ne tient sous nos pieds, ça glisse, ça dérape. Je choisis donc un chemin parallèle jusqu’au sommet pour trouver du dur. Descente sableuse, champs de cailloux, slalom entre des massifs montagneux, sable en dévers, que du bonheur… Guy est en point de mire devant moi, je discute avec Nathalie. Frank qui s’était arrêté au CP nous rejoint, on parle trail, triathlon, boulot, études. Guy me manque.

    Sur la grosse montée du jebel Mhadid Al Elahau (13% de pente) je quitte « les tourtereaux »,  j’accélère encore une fois et rejoins mon pote de galère. Le paysage au sommet est magnifique. Nous longeons une crête surplombant un oued immense, majestueux. On grignote tout en avançant, on prend quelques photos puis on descend une langue de sable, c’est la fameuse photo que Marie a trouvé sur le site. Un pied immense que ces 100m de sable mou à descendre tout schuss. S’ensuit une longue partie de sable mou (3,5 kms environ) dans lequel marcher est difficile, avec du dévers à gérer. C’est long et beaucoup moins sympa ! CP4 arrive là-dessus, enfin, mais Dieu que ce sable aura été interminable…

    Des enfants nous encouragent avant ce CP. Mais d’où viennent-ils ? Il n’y a rien sur des kms à la ronde ! C’est fou ! Au CP je me fais doubler par Marco Olmo, la légende du trail, vainqueur de l’UTMB à plus de 60 ans ! Impressionnant de le savoir parmi les premiers de la course et de le voir gérer son CP. Il ne prend qu’une seule bouteille qu’il garde à la main, repart en courant, poursuivi par des commissaires de course qui veulent qu’il en prenne une autre. Mais lui sait qu’avec le soir qui tombe doucement et les 13 « petits » kms qui le séparent du CP5, une seule suffira.

    Je repars de mon côté avec Guy, qui marque bientôt le pas, alors que de mon côté la fin du jour et donc des grosses chaleurs me galvanise. Cette portion est pour moi un souvenir énorme. 13 kms de ligne droite, sans aucun virage ou même inflexion de direction. Une ligne droite d’autant plus impressionnante qu’avec la nuit qui tombe un faisceau laser est mis en place, qui nous indique l’emplacement du CP.

    Sans mon pote à mes côtés je branche la musique, empoigne un peu plus fermement mes bâtons et file vers le laser. Etrange sensation que la marche qui s’automatise sur un sol qui présente peu de surprises ni d’aspérités et l’esprit qui vagabonde vers d’autres cieux. Une dissociation favorisée par la nuit, la fatigue, la monotonie. Un moment de rêves sinon de rêve. Je ne saurai dire à quoi je pensais, je rêvais mais c’est sûr que j’étais en pilotage automatique.

    La faim me prend sur cette portion et j’ai mon taboulé traditionnel qui m’attend. Un  peu d’eau dans mon sac congélation pour le réhydrater, je cale mes bâtons en travers de mon sac et m’apprête à sortir ma cuillère. M… elle est au fond du sac, dans mon dos. Bon ben le taboulé je le mangerai à la mode bédouin, à la main…

    Ça y est la nuit est arrivée. Je range mes lunettes et sors ma frontale. Devant moi des « lucioles » s’animent. Je fais comme elles et allume le bâton lumineux jaune-vert fourni par l’organisation, qui fonctionne par réaction chimique et qui permet de nous repérer dans la nuit. Les panneaux qui indiquent le chemin en sont munis eux aussi. Etrange image que ces lueurs, immobiles et mobiles, qui balisent le chemin à parcourir, alors que lorsqu’on se retourne, c’est la lumière dansante des frontales qui jalonne le chemin déjà parcouru.

    Mais je trouve le temps long, au point de confondre les CP. Ce n’est pas possible qu’il reste encore un CP après celui vers lequel je me rends. Encore plus de 20 kms, impossible ! C’est toujours la même chose, passé un certain temps de course, une certain degré de fatigue, les sensations prennent le pas sur la raison et nous induisent en erreur. Comme ces pilotes d’avion qui, dans le brouillard ou la nuit noire, perdent leurs repères et finissent par ne plus croire leurs instruments, ce qui les conduit souvent à leur perte.

    Il doit me rester encore plus de 2 kms avant le CP et j’en ai marre. Du coup à chaque concurrent qui me double, je me mets à courir pour le suivre, l’accompagner sur un bout de chemin, jusqu’au moment où je craque physiquement et reprends ma marche, jusqu’au prochain.

    Ça y est enfin, CP5 ! J’ai mal au genou depuis un petit moment déjà. La tendinite du TFL, souvenir de la diagonale, se rappelle à moi. Lorsque je récupère mes bouteilles je tombe sur Milca, l’infirmière qui a soigné les pieds la veille, pour ainsi dire dans une autre vie. Je lui explique le problème et elle me sort de ses poches un patch de diclofenac. Un coup d’elasto pour le tenir (c’est con mais le patch autocollant ne tient rien sur une peau pleine de sable) deux comprimés de gaviscon contre les brûlures d'’estomac que je sens arriver (oui le taboulé citron sur la longue ce n’était pas le plus malin) et c’est reparti.

    Je rechausse mes écouteurs et file donc vers CP6, car il y a bien un CP6 entre le bivouac et moi, et encore plein de kms à parcourir. Qu’elle est longue cette portion de nuit, sans rien à quoi me raccrocher.

    Aline la coéquipière de David me double, en trottinant comme si elle faisait son footing de récup. Je lui demande des nouvelles de David, dont je m’inquiète car je ne l’ai toujours pas vu me doubler. Elle le croit devant elle, donc maintenant devant moi. Merde, j’ai dû le louper à un moment ou un autre. Puis elle file. Impressionnante la miss !

    Je cours encore au passage de quelques coureurs. Je ferai un brin de chemin comme ça avec Renaud, le deuxième de la fratrie d’Hervé, avec qui je taillerai le bout de gras un petit moment. Aussi touchant que son frère.

    On passe un lac asséché je crois, on suit une piste de 4x4 plutôt merdique, on passe par des zones de dunes. J’avoue que j’ai un peu zappé cette partie, tellement je l’ai faite en mode automatique. Il paraît que l’on est passé à côté d’habitations, que l’on a traversé un oued. Peut-être, je n’en ai rien su, rien vu (tout bu comme le chanterait Dutronc)…

    Seul fait marquant pour moi, vers la fin je me fais déposer par un Anglais, Simon, qui marche à une vitesse impressionnante. Un avion ! CP6 arrive alors, bien trop lentement à mon goût, mais il arrive. Dans mon esprit le piège serait de s’y arrêter. Ce serait alors trop dur de repartir, surtout si près du but.

    Le temps de refaire fixer mon patch qui tient mal et je récupère mon eau. Les commissaires veulent absolument nous refiler 2 bouteilles, on refuse quasiment tous. Les gars, il fait nuit et à peine tiède, on a moins besoin d’eau. C’était ce midi à CP2 qu’il nous en aurait fallu plus, pas maintenant…

    Je me recale mes écouteurs et suit une piste de sable mou, dans lequel chaque pas est une épreuve. Je sens une présence derrière moi. C’est le Simon de tout à l’heure qui a dû traîner un peu plus que moi au CP. Il a toujours son rythme d’enfer. Oui mais là je vais pas le lâcher ! Sur les 12 kms qui me restent, j’en ferai bien 4 avec lui, sans échanger un mot, tous les deux dans notre bulle de musique. Je cale ma frontale sur ses mollets de grive et me fixe comme mission de ne pas les lâcher, un peu comme l’on prend l’aspi en vélo, en ne fixant que le pneu arrière du mec devant soi. Plutôt mourir que de laisser le moindre espace se créer ! Sur le mou, y’a rien à dire il est impressionnant. Dès que les bords de la piste se durcissent un peu je tire mieux mon épingle du jeu et prends la tête.

    On aurait sans doute pu finir ensemble si je n’avais pas eu cette foutue hypoglycémie. Je n’ai sans doute pas mangé assez et à force de courir et de marcher vite j’ai sans doute trop puisé dans mes réserves. Toujours est-il que je me sens ralentir. Je laisse donc filer l’Anglais et dévore mon ravito. Coup de fouet, barre de céréales, fruits secs, le tout avec plein de flotte et de produit énergétique, tout y passe pour finir au mieux ces 7 derniers kms.

    Alors que je me fais déposer par pas mal de monde et que je regarde ma montre égrener trop lentement la distance qui me sépare de l’arrivée, je sens mes forces revenir peu à peu. Le moral suit, d’autant que bientôt des lumières apparaissent. Tiens on arrive à un village. Mais non, je suis con, c’est le campement. Yes ! Je me mets à trottiner mais en fait la nuit est trompeuse pour les distances et il reste 5 kms. C’est long encore. Je reprends la marche juste derrière un gars qui me donne un bon tempo, quand j’entends quelqu’un courir derrière moi. Je le suis, ou plutôt la suis. C’est Julia, la 5è féminine, qui, bien que partie longtemps après moi, court maintenant à mes côtés. Dans un mélange d’Anglais et de Français on va discuter jusqu’à l’arrivée. Le deal avec elle c’est que je la suive mais qu’elle franchisse la ligne devant moi, ce qui n’est que justice vu son niveau. On parle de nos courses, de nos familles, de Londres où elle vit. Elle est fluide là je tire la langue pour la suivre. La ligne s’approche, on court, on court. A 500m de la ligne un maigre ruisseau dans lequel j’enfonce le pied. C’est con de tremper une chaussure dans le désert, sur le seul endroit où il y a de l’eau… A 50m du but, complètement à bout je lui propose de filer devant, comme convenu, elle acquiesce, démarre puis se ravise, m’attend et c’est finalement main dans la main que nous finirons la longue. Excellent souvenir que cette arrivée de nuit, moment de complicité toujours bien plus agréable que seul…

    Ça y est le plus dur est derrière nous. Thé, eau et c’est l’arrivée dans la tente où je retrouve David et Seb. David a dû me passer au CP4 sans que je ne le vois. Moi qui flippais justement de ne pas l’avoir vu me doubler me voilà rassuré. Il n’a pas eu de défaillance et il est même super bien placé.

    Tout au long de la nuit les arrivées s’égrèneront. Elle sera morcelée cette nuit mais au moins elle sera dans la tente, sans nécessité de repartir au petit jour.

    Au matin c’est une journée de repos qui s’annonce. On va buller. On mange, on va se faire soigner les pieds, on va écrire des mails, manger encore, se reposer. Ne croyez pas qu’elle ait été longue cette journée de repos, on l’a bien remplie !

    Etape 4 : 81,5 kms. 15h11’34. 5,33 km/h

    Mail : salut, Ça y est, la longue est passée ! 15h11. très bonne étape, je remonte fort au classement. Très dure aussi, avec une chaleur étouffante et des lignes droites interminables. 13km de ligne droite entre cp4 et cp5. 13km! Beaucoup de sable aussi et des paysages toujours magnifiques. Je me surprends à accrocher fort mentalement. Je viens de sortir de chez les docs. Ampoules habituelles... Petite tendinite au TFL, ça faisait longtemps...Par contre pas de douleur à l'ischio, François a fait des miracles ! Du coup dodo cette nuit et sieste au programme cet après-midi. Plus que le marathon demain, je le sens bien. On verra. Visiblement ils ont élevé le niveau. Hier j'ai fini avec la 5è féminine. 

    Pr Jules : bisous mon grand, j'attends de te revoir pour te raconter tt ça. Bises.

     

    Mail 2 : salut, Je viens de recevoir vos mails. Ça fait vraiment plaisir! Un grand merci à tous pour vos messages. Ça nous fait un bien fou de les lire. Du coup, après la queue pour les pieds, celle pour le mail ce matin, pour l'eau ce midi, pour le coca (humm je me languis de le boire) ce soir, j'intercale une petite pour un 2è mail. J’en suis à ma 3è sieste, faut dire qu'il n'y a pas grand-chose d'autre à faire. On blague et on dort. Dans le camp c'est la cour des miracles, un vrai congrès d'handicapés. On boite tous, on a les pieds rouges dans des chaussons bleus, dans des sandales défoncées. On porte plus d'élasto et de pansement que de fringues, et celles-ci sont dans un état... Et le pire c'est de se dire qu'on va être à bloc demain et qu'on trouvera le moyen de courir (un peu...)

    Pour Jules: pas de scorpion en vue, juste des lézards... et des dromadaires! Merci pour ton message. Bon carnaval!
    Tiens un concurrent vient encore d'arriver. Il n’est pas frais... 
    un grand bisou à tous.