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Le Rockman 2016

Les Renards du Désert passent des montagnes suisses aux fjords norvégiens.

 

Après la Suisse, voici la Norvège. Le swimrun fait voyager ! Dès le Troll Enez, je commençais à chercher des épreuves qui me plaisaient. Les premières courses qualificatives d’Ötillö commençaient à apparaitre, accompagnées de courses dites Merit Races, c’est-à-dire non qualificatives directement mais qui donnent des points au Swimrun Ranking. Ces points permettent au commun des mortels d’espérer être tirés au sort pour participer à l’épreuve originelle. Le Rockman fait partie de ces Merit Races, là où l’Engadin fait partie du circuit qualificatif Ötillö.

 

Pour autant, durant toute la préparation, c’est le Rockman qui focalisait mon attention. Certes les photos de la Suisse étaient magnifiques et attisaient le désir, mais le site internet norvégien faisait aussi peur qu’envie.

 

Pour le matériel, très peu de changement. Nos combis longues nous semblent bien adaptées à la météo locale. Nous gardons nos pulls buoy artisanaux, mais comme ils ont tendance à trop flotter et à nous échapper des jambes, nous les fixons par un petit clip élastique sur notre jambe avant de nous jeter dans l’eau. Une cagoule sous le bonnet nous permettra d’éviter d’avoir trop froid sur les longues portions de natation.

 

C’est une « petite » course sur le papier, moins de 6 kms de natation et 35 kms à pied, pour un total d’à peine 41,4 kms. Oui mais il faut compter les 3250 m de dénivelé et surtout la qualité des parcours.

 

Des courses « la plus dure au monde » j’en ai fait quelques-unes. Embrun, le Marathon des Sables, pour ne citer qu’elles, se targuent chacune d’être « la plus dure ». Quelle blague ! Ici, en revanche, on nous annonce durant le briefing, sans s’y appesantir, que le parcours est rough. Rugueux. Sur le moment, on n’y fait pas attention, blasés que l’on est. Par contre durant toute la course je me remémorerai ce qualificatif. Ils ne nous ont pas menti. P… ce qu’on en a ch… !!!

 

La Norvège c’est énormément de granit, roche rugueuse au départ mais sur laquelle il pleut beaucoup. Sur la roche, souvent très pentue, on trouve, au choix, de la terre, de l’herbe, du lichen, des racines d’arbres, et bien sûr de l’eau. Et parfois tout ça à la fois. Donc forcément ça glisse. Donc forcément, on glisse. On se ramasse, on se tord les chevilles, on tombe à nouveau, on râle.

 

Et puis le Rockman se déroule dans le Lysefjorden. C’est magnifique un fjord ! Mais ce n’est pas plat. Ça ressemble à nos Calanques, en plus haut, plus humide, plus abrupte. On passe notre temps à crapahuter, à monter, à descendre, le tout sur des sentiers … quand il y en a.

 

On va même monter à Preikestolen (ou Pulpit Rock), la falaise que l’on voit dans tous les reportages sur les fjords norvégiens. Un à-pic de 604m au-dessus de l’eau que l’on a quitté quelques kms plus tôt et dans laquelle on replongera plus tard. Cerise sur le gâteau, vers la fin de la course, nous traversons le fjord pour rejoindre un petit hameau, Flørli. Une usine hydroélectrique y a été construite. Un escalier en bois longe la conduite d’eau forcée. Il fait 4444 marches. Et devinez quoi ? On y monte !

 

Bref tout ça pour expliquer que l’on aura beaucoup marché durant cette course, que l’on en aura bien bavé, mais que nos acquis de traileurs nous auront bien servi.

 

Mais revenons sur le briefing. Nous sommes à Stavanger, petite ville côtière qui a explosé lorsque l’on a découvert du pétrole au large des côtes norvégiennes. Nous sommes quelques Français à avoir fait le déplacement jusqu’ici. Et pas mal d’étrangers. Il faut dire que, dans le monde du swimrun balbutiant, cette compétition a de quoi attirer les baroudeurs.

 

Pas mal de scandinaves autour de nous. Des géants blonds, aux épaules taillées à la hache viking. Encore une fois, on se demande avec Guy ce qu’on fiche là. On se sent bien petits et ridicules à côté.

 

À part ça, peu de nouveautés ni d’informations très importantes, si ce n’est ce fameux qualificatif de rough… Pour nos compagnes, nous avons choisi de leur offrir le tour en ferry proposé par la course. À elles une visite touristique de ce fjord magnifique, avec la possibilité de nous suivre et de nous encourager sur un petit hameau, avant de nous retrouver à Flørli pour l’arrivée.

 

Le lendemain matin, deux ferrys nous amènent sur le lieu du départ. Particularité de la course, on commence par de la natation en sautant directement du pont, sans regroupement préalable. C’est un peu rock n’roll mais au fond, pourquoi pas. Ça doit être une tradition norvégienne que de sauter d’un ferry pour aller nager. Entre le Norseman et le Rockman, y’a bien que chez eux qu’on fait ça.

 

Natation donc, puis première course à pied, ou première escalade devrais-je dire. On monte, quasi à la verticale, en s’agrippant aux branches, aux buissons, à l’herbe même parfois. Et bien sûr il pleut, donc ça glisse. Quelques petites natations dans des lacs gelés et une erreur de parcours plus tard, premier ravito sur un grand parking, avant de rejoindre le chemin qui monte à Preikestolen. Et là, on court en combi, bonnet et lunettes sur la tête, en doublant des touristes qui marchent péniblement en ahanant. Qui a dit contraste ?

 

Une partie de cette portion de course consiste en un aller-retour jusqu’au Pulpit Rock, le carré de 25m de côté suspendu au-dessus du fjord. Nous croisons ceux qui, plus rapides, nous devancent. Au retour nous jaugerons de notre avance sur nos poursuivants.

 

L’arrivée sur la plateforme est magique. Une arche et un ravito nous accueillent. Une photo immortalise le moment. On se permet de perdre quelques instants pour se pencher au-dessus du vide et profiter de ce lieu vraiment magique avant de filer vers la suite de l’aventure.

 

Le parcours est plus dur. C’est une descente abrupte sur un sentier glissant. Météo mise à part, j’ai l’impression d’être de retour à la Diagonale des Fous, dans cette descente entre Mare à Boue et Béboure où je ressemblais plus à un gibbon qu’à un traileur, utilisant plus les mains que les pieds pour descendre ou plutôt dégringoler le chemin. Ben là, c’est à peu près la même chose, le froid et la pluie en plus.

 

Puis natation dans un petit lac glacé, sentier glissant, traversée de ruisseau glacé et balade sur un plateau exposé où vent et pluie nous rappellent que nous sommes dans le Grand Nord. C’est vraiment l’aventure.

 

On en bave. Non vraiment, ce n’est pas une exagération. On en bave. Les combinaisons et surtout les chaussures sont pleines de boue. On chute très souvent. On tient une moyenne minable. Certains passages sont équipés de chaines pour se tenir. Ça me rappelle vraiment les Calanques, le côté humide et glissant en plus.

 

C’est impossible de raconter combien il est difficile de parcourir ces sentiers dans ces conditions. Pour autant, on ne râle pas. Au contraire, on s’éclate vraiment dans ces conditions rudes, loin, très loin, des triathlons très (trop) aseptisés.

 

Jusqu’à l’eau des ravitos qui est directement puisée des torrents qui dévalent les flancs du fjord et que l’on nous propose de boire. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle est terreuse. Guy râle, frise l’apoplexie, en disant qu’ils nous donnent de l’eau croupie, alors que c’est tout le contraire ! On en rigolera de cette eau croupie, un private joke entre nous deux.

 

Nous ne sommes pas les meilleurs sur les parties à pied (je n’ose pas dire course à pied) mais on tient largement notre rang dans l’eau où nous remontons à chaque fois des binômes. Et finalement on se sent plutôt bien dans la course.

 

Souvent, lors des transitions, le Rockman nous attend et nous salue d’un grand cri rauque. C’est vraiment une super idée de l’organisation d’aller jusqu’au bout du concept et d’avoir créé cette espèce d’Obélix avec son rocher en carton-pâte, ses vêtements home-made et sa grande barbe, qui ponctue la course et qui nous attendra à l’arrivée.

 

Nos compagnes ont pris leur ferry quelques heures après nous et profitent de la journée pour visiter à leur rythme ce magnifique fjord. Elles nous retrouvent à Songesand, petit hameau qui marque pour nous la fin d’un chemin très très galère avant une longue portion de route en faux-plat montant. Un bisou, quelques photos et nous repartons.

 

Sur cette portion nous allons nous tirer la bourre avec deux Français qui venaient de nous doubler. Deux potes qui organisent le swimrun de Cannes. Ils vont nous transcender, nous obliger à forcer le rythme, tout simplement parce que nous voulons finir devant eux. C’est une course dans la course, à la régulière, pas malsaine. Juste l’envie de se prouver que l’on est (un tout petit peu) meilleurs.

 

Une descente sévère et périlleuse nous amène une fois de plus au bord du fjord. Cette fois-ci plus question de le longer, nous allons le traverser, avant de finir la course sur l’autre rive. Il y a du courant, assez fort d’ailleurs, la « mer » est forte et nous sommes épuisés. Mes bras n’arrivent plus à nous tirer et nous dérivons. Guy prend le relai et nous finissons par rejoindre la rive opposée. Ça y est, nous sommes à Flørli, qui sera l’arrivée. Mais pour le moment, il ne s’agit que d’y passer pour faire une boucle qui nous y ramènera.

 

Cette boucle débute par le moment de bravoure de la course. Les fameuses marches. Imaginez un petit escalier de bois, dont les marches carrées font moins de 50 cm de côté. Il longe la conduite d’eau forcée qui dévale le flanc du fjord. Qui dit conduite d’eau forcée dit pente importante pour donner de la vitesse, donc de la pression à l’eau. Et effectivement ça monte dur. Un (tout) petit pallier de temps en temps, un petit panneau qui indique chaque portion de 500 marches. Et des fadas en combinaison qui montent en essayant de maintenir un rythme élevé.

 

C’est l’un de ces moments où l’on est face à soi-même, seul avec son effort et sa douleur. Ce n’est pas à proprement parler dur. C’est juste long, éprouvant mentalement, surtout sur des organismes épuisés.

 

Heureusement, lors des 1000 dernières marches la pente s’infléchit. Guy a pris un peu d’avance et je me bouge pour le rejoindre. Il est encore une fois meilleur que moi sur les fins de course.

 

Il doit nous rester une bonne balade à faire mais les conditions climatiques obligent les organisateurs à raccourcir le parcours. Nous ne passerons pas par dragon’s neck (oui, au Rockman, les portions ont des noms, parfois assez obscurs voire absconds, du style Rocky Drop ou Seaside Sprint pour la portion la plus ardue techniquement où nous avons péniblement marché à très faible allure, parfois même en s’aidant des mains).

 

Nous arrivons à ce qui sera la dernière natation de la journée. Elle ne fait qu’une centaine de mètres, mais c’est tant mieux. Qu’est-ce qu’elle est froide ! Une Bretonne nous dira après course qu’elle n’a pu se résoudre à y plonger la tête. Lorsque l’eau s’infiltre dans le dos et descend le long de la colonne c’est terrible.

 

Après, c’est un beau parcours sur un plateau, puis une longue descente jusqu’à l’arrivée, à travers pistes, landes, ruisseaux et finalement pentes abruptes. Avec le soleil de fin d’après-midi, les nuages, la vue au loin, ça a vraiment un côté bout de monde. Un dernier sprint pour le fun en bord de fjord et nous franchissons la ligne d’arrivée, accueillis par le Rockman en personne.

 

Au lieu de la traditionnelle médaille ou du traditionnel t-shirt, on nous remet une ceinture en cuir dont la boucle arbore le logo de la course. Au verso, un numéro. J’ai la ceinture 144. Je suis donc le 144ème finisher à avoir vaincu le Rockman. Autant dire que c’est la classe. D’ailleurs, cette ceinture, je la porte maintenant, en même temps que j’écris. Elle ne me quitte plus.

 

On se change, on mange, on se repose en attendant nos compagnes. Elles ont voulu essayer les marches elles-aussi et se sont perdues sur le plateau. Elles nous rejoindront, mais bien plus tard. J’en profite pour écluser une bière aux couleurs de la course. C’est une vraie bonne idée cette bière, elle est délicieuse. Puis, après une photo souvenir en compagnie du Rockman, c’est l’heure du départ, en ferry, pour Stavanger.

 

Au final, nous finissons en 9h40’24 ; nous sommes 21èmes sur 86 partants. Notre association fonctionne de mieux en mieux et ces parcours vraiment typés trail nous conviennent mieux que des chemins très (trop) roulants.

 

De tous les swimruns que j’ai pu faire celui-ci est vraiment celui qui m’a le plus plu. Le Rockman fait sans doute parti du top 3 de mes compétitions. C’est dire ! L’organisation est sans faille. Même Guy n’a presque rien eu à lui reprocher. La ceinture, la bière, le Rockman, le trajet en ferry pour les accompagnants, le jacuzzi à l’arrivée, le t-shirt manches longues en laine de super qualité, tout ça ce sont les petites attentions qui font pour moi la différence. Et que dire du parcours de toute beauté, exigeant, rugueux, mais qui permet de découvrir cet environnement exceptionnel. Un mot : BRAVO !

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