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nicogo! - Page 3

  • Interview des Sardines

    Cet été, avant le Norseman, les Sardines m'ont contacté pour une interview. De l'eau a coulé sous les ponts mais voici le texte de cet article.

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  • Norseman 2017

    Norseman 2017

     

     

    C'était en 2007. Je venais de reprendre mes études d'infirmier. Un soir désœuvré, je regarde un site de triathlon. Sur le forum, un nom me saute aux yeux : Norseman. On en parle comme du triathlon le plus dur au monde, avec un parcours qui va d’un point A à un point B et l’obligation d’être bien classé à un moment donné pour arriver à la fin. Ça excite ma curiosité. Une petite recherche Internet plus tard, j'en suis convaincu, ce triathlon est fait pour moi. 

    Quelques jours passent et j'en parle à José. C'est un truc de fou, un parcours unique, un cadre magnifique, une pression énorme pour pouvoir arriver au sommet. Ça a tout pour nous plaire. Il est chaud lui aussi.

    Je me souviens encore de ce midi-là. J'étais avec d'autres étudiants au réfectoire de l'hôpital. En plein repas. Un coup de téléphone de Jack. « C'est quoi ce truc de fou ? On s'inscrit où ? Et comment ? On y va quand ?" Le ver était dans le fruit. Nous étions conquis par ce triathlon.

    Quelques mois plus tard, José et moi nous inscrivons à la loterie. Il est pris, moi non. Il choisira de ne pas y aller. Je fais d'autres choix d’épreuves. Le Norseman attendra.

    Pourtant, tout au long des années, je revenais sur le site. Je voyais avec envie les épreuves se multiplier, en Suisse et en Écosse. Pour moi c'était clair, cette série de trois triathlons ferait partie des derniers auxquels je voudrais participer, avant de passer à autre chose. Encore fallait-il pouvoir être tiré au sort. En 2015 nous nous inscrivons avec Guy. Nous ne sommes pas pris mais nous savons que nos chances augmentent à chaque essai supplémentaire. En 2016 je me relance dans l'aventure, Guy oublie de s'inscrire. Moi, je suis pris ! 2017 sera l'année du Norseman.

     

    Le Norseman, beaucoup de gens en ont entendu parler. Surtout en France. Un reportage sur Canal+, dans Intérieur Sport (l’enfer du Norse), suivait des Français à l'assaut de l'épreuve. Il est toujours visible sur You Tube et permet, en 20’, de comprendre tous les enjeux et particularités de cette course. Cela a créé un buzz, qui fait qu'il est difficile d'arriver à s’inscrire, mais également que le niveau durant l'épreuve a considérablement augmenté. Car ce triathlon, en plus d'être extrêmement dur dans les conditions de course, impose également une contrainte supplémentaire : faire partie des 160 premiers à 10 km de l'arrivée. 

    Mais commençons par le début, les spécificités de cette course. La natation se fait de nuit, avec un départ à 5h, après un plongeon du pont d’un ferry qui nous a amené à 3,8 kms du village où se trouve le vélo. Nous nageons dans un fjord où l'eau ne dépasse pas les 15 degrés, souvent d’ailleurs plus proche des 12, comme cette année.

    Le vélo part d'un point A, Eidfjord et rejoins un point B, Ausbygde, 180 km plus loin. Entre les deux, 5 cols, du froid, du vent, souvent de la pluie, parfois des névés en bord de route. Bref un véritable paradis. Cerise sur le gâteau, pas de ravitaillement. En effet chaque concurrent est suivi par un ou plusieurs accompagnants. À eux la lourde tâche de s'occuper de leur triathlète, pour l’aider à se changer lors des transitions, pour le ravitailler sur la majeure partie de la course et pour finir avec lui les 5 derniers kms à pied. De véritables nounous, indispensables. C’est une sacrée contrainte supplémentaire mais elle rend la course encore plus savoureuse. C’est un triathlon d’équipe, à partager sans modération qui avec sa moitié, qui avec ses enfants, parents ou même amis.

    Après le vélo c'est parti pour le marathon. Dans l’idée, un premier gros semi de 25 kms quasi plat en bord de lac, puis ça monte. Du dénivelé à n'en plus pouvoir. C’est que l'arrivée se juge au sommet de la montagne qui domine la région, le Gaustatoppen.

    Comme une antenne y a été installée, un funiculaire traverse la roche et en permet l'entretien. C'est par ce tunnel que les concurrents redescendront. Les accompagnants eux devront rejoindre le parking par leurs propres moyens. La capacité du funiculaire induit un nombre maximal de concurrents qui pourront l'emprunter. Ce seront les 160 premiers à arriver au 32,5ème kms qui auront la possibilité de finir au sommet et de revêtir LE black t-shirt. Les suivants prendront un chemin alternatif pour finir le marathon et obtenir le white t-shirt. Autant dire que tout le monde cherche à se vêtir de noir et pas de blanc ! 

    Bon ça c’est la légende. La réalité est toute autre. J’y reviendrai durant le récit de la course mais lorsque nous sommes arrivés au sommet, mes accompagnants étaient presque aussi fatigués que moi. Le brouillard, la pluie, la nuit qui arrivait, je flippais grave à les laisser redescendre seuls. Et là, une conversation à côté de nous. Visiblement, si les accompagnants sont prêts à payer (cher) pour prendre le funiculaire, ils peuvent redescendre avec les coureurs. C’est ce que l’on a fait, comme beaucoup de touristes et d’autres accompagnants. Il est donc possible de monter à (largement) plus de 160 au sommet. Le cut off du 32,5ème est donc totalement artificiel. Mais il donne malgré tout à cette course tout son piment. Il fait du Norseman une course différente des autres, où il ne faut pas seulement passer des temps limites, mais aussi gérer un classement limite. En bref il ne s’agit plus d’un examen mais d’un concours. Et cela fait peur au triathlète moyen, qui ne sait pas s’il sera capable de faire partie du bon wagon.

    Pour moi le contrat est simple lorsque je me lance ce défi : en plus de devoir finir la distance, ce que je sais faire, il va falloir la parcourir le plus rapidement possible, du moins jusqu'à 10 km de l'arrivée. Il faut que je sois dans le bon groupe au moment de la bifurcation. Passée celle-ci, les 10 derniers kilomètres m’importent peu. Il faudra les faire, bien entendu, mais je n'aurai plus la même pression.

     

    Dès le mois de novembre je me lance dans la préparation. Je viens de finir le marathon de New York et, à mon retour, j’ai reçu la bonne nouvelle ; je serai en Norvège début août. Je sais que la prépa sera difficile. Je n'ai plus fait de vélo sérieusement depuis l’Altriman (750 kms en 18 mois !). Et effectivement les premiers tours de roues sont difficiles. Il va falloir pédaler, se réhabituer à l'effort, se refaire à la selle, bref ce n'est pas gagné. Je sais qu'il faudra que je sauve les meubles, je ne peux pas m’attendre à faire des prouesses sur la partie cycliste. Je veux juste faire un temps honorable et pas trop me griller pour le marathon. Finalement je ferai un peu mieux que ça. Comme quoi…

    Autre axe de travail, la natation en eau froide. C'est parti pour la nage en mer en combi durant l’hiver, puis sans combi dès le printemps. Il faut que je sois capable de nager dans une eau à 12° pendant plus d'une demi-heure sans combinaison, et ce avant avril. Puis ce seront les douches froides, puis les bains froids, agrémentés de bouteilles congelées sur la fin de la prépa. On n’est pas tranquilles quand même, des fois…

    J'intercale quelques épreuves dans mon planning. Un Ultratrail au Tchad en février, un swimrun sur la Costa Brava en avril avec un pote, un triathlon au Ventoux début juin, un ultra swimrun à Collioures avec mon binôme de toujours, Guy, fin juin. Et puis, début février, la nouvelle tombe. Guy et moi sommes tirés au sort pour Ötillö le 4 septembre à Stockholm. Quelle chance ! Mais quelle pression également. Il va falloir enchaîner ces deux épreuves mythiques en à peine un mois.

    La préparation suit son cours. Le Treg, ce trail magnifique au Tchad, sur lequel je louchais depuis 2014, se déroule sans anicroche. Je finis les 180 kms en 45h10, sans autres pépins que les quelques ampoules et ongles abimés, auxquels je suis habitué. Mon binôme pour la Costa Brava me fait faux bond pour cause de blessure. Qu’à cela ne tienne, je réaxe et me lance sereinement pour le Ventouxman. Je le finis plein de confiance, dans les temps que je m’étais fixé, en étant surtout capable de courir comme je l’avais prévu.

    Le Swimrun Côte Vermeille sera une réussite. J’y retrouve Guy et nous finissons à une très honorable 12ème place (sur 48 au départ), en étant surtout capables de finir propre notre premier ultra dans la discipline. C’est de bon augure pour cet été en Suède.

    La fin de la préparation sera plus difficile. Le mois de juillet s’étire mais j’ai du mal à me remobiliser. Il me semble avoir consenti trop de sacrifices. J’ai l’impression d’avoir laissé ma famille de côté. Du coup j’ai du mal à les abandonner pour aller courir, nager et surtout pédaler. Il est temps qu’elle arrive cette sacrée compet.

     

    J’ai parlé préparation mais faut également évoquer toute la logistique. Marie et Jules vont être ma Support Crew durant toute la journée. À eux de me ravitailler, de m’aider à me changer aux transitions, de gérer le matériel que je laisserai sur place et d’anticiper sur celui qu’il va me falloir. Ils vont devoir également se taper l’attente durant la natation jusqu’à la sortie de l’eau, les 180 kms de vélo, les 32 kms de cap jusqu’au cut off, puis un trajet en navette sur 5 kms et enfin l’accompagnement final jusqu’au sommet avec 5 kms de trail pas simples. Sacrée journée pour eux aussi.

    Nous choisissons de louer un camping-car pour notre séjour. Au départ ce choix est un peu forcé car le temps que nous nous organisions, toutes les places d’hôtel sont prises sur Eidfjord. Mais ce pari va finalement s’avérer le bon, le jour de la course, puis durant tout le séjour. Il nous permettra de stationner au plus près du départ et de l’arrivée, de visiter à notre rythme des coins splendides, le tout finalement à un coût raisonnable.

    Autre gestion, celle du matériel. Un éclairage avant et arrière sur le vélo, un gilet fluo (mais surtout rétroréfléchissant) à cause des tunnels à traverser ; un vélo plutôt typé montagne que contre la montre, vu les 5 cols à grimper ; des jambières, surchaussures, veste chaude, veste coupe-vent, Buff, gants en vélo ; un top, une cagoule et des chaussons, tous en néoprène, en plus de la combinaison pour gérer le froid en natation… Bref c’est une sacrée logistique à anticiper.

    Je ne vous raconte pas les réflexions durant les mois précédents, à peser le pour et le contre de chaque option, à anticiper selon les conditions météos imaginées pour le jour J, selon les scénarii de course. Je sais que ma marge pour faire partie des 160 est plutôt faible et qu’avec mon profil de nageur, pas trop mauvais à vélo, je vais passer la journée à me faire doubler. Il faut que je garde suffisamment d’avance jusqu’au 32,5ème.

     

    Puis vient le jour du départ pour la Norvège. Deux valises rien que pour le Norseman (le vélo dans l’une, les affaires de course en cabine dans l’autre), les chaussures de course à pied sur moi. Vous parlez d’une expédition ! Ça change d’un marathon où tout le matériel tient dans trois fois rien…

    Je vous passe sur les visites d’Oslo et sur le trajet en camping-car les premiers jours. La Norvège se révèle à nous et le moins que l’on puisse dire c’est que c’est magnifique.

    L’avant-veille c’est repérage. Tout le parcours vélo et le parcours cap jusqu’au 32,5ème. Puis arrivée à Eidfjord. Ce repérage est important, car il permet d’anticiper sur les points chauds et de prévoir avec mon équipe où, quand et avec quoi me ravitailler.

    La veille, enregistrements, briefing et achats obligés dans la boutique souvenir. Difficile de ne pas craquer devant les sacs, t-shirts, casquettes et autres bonnets estampillés Norseman.

    C’est aussi le moment de rencontrer d’autres Français, de sympathiser, de faire aussi un peu d’intox avec nos t-shirts finishers d’épreuves plus mythiques les unes que les autres. On ne se refait pas… Une réflexion malgré tout. La part croissante de références au swimrun, sur les vêtements autour de moi, dans les discussions, dans le partenariat entre Norseman et Ötillö. Dire qu’il y a deux ans seulement on était si peu à en avoir entendu parler et encore moins à en avoir fait…

    En fin d’après-midi, briefing dans le gymnase d’Eidfjord. Ça commence par le teaser de l’année précédente. Musique à fond, images impressionnantes du ferry, paysages de toute beauté à vélo, vue de drones en course à pied, puis détresse palpable de ceux qui n’iront pas au bout, qui arrivent au-delà des 160. Et enfin la joie de ceux qui franchissent l’arrivée, au sommet. Pas un bruit dans la salle. Ça calme ! Puis vient le briefing plus traditionnel, avec le rappel des règles et consignes de sécurité, ainsi qu’un petit diaporama explicatif pour les Supports. Pour conclure, nous avons droit à des danses traditionnelles par des jeunes du coin. C’est pas trop notre trip mais ça passe super bien et ils sont chaleureusement applaudis.

    Derniers préparatifs, petit repas et dodo. Le réveil va sonner tôt !

     

    C’est le grand jour. Lever 2h45. Ça pique, mais de toute façon je ne dormais pas vraiment, comme souvent la veille d’une course. J’enfile quads et boosters, mon bas Zerod et mon top néoprène. Pantalon, veste chaude et veste de pluie, bonnet, me voilà harnaché ! Je récupère mon sac natation-petit déjeuner, sors le vélo et le casque du camping-car et pars à T1.

    Les arbitres vérifient le vélo, les lumières, le casque mais attendent que je leur montre ma veste rétroréfléchissante et veulent voir mon « support ». Je leur explique que le support en question dort encore (enfin si elle arrive à se rendormir, ce qui ne s’avèrera pas la cas) et que c’est elle qui me donnera ma veste lors de la transition. L’arbitre, pas un marrant, me dit que si la veste ne convient pas il m’empêchera de prendre le départ après la transition. Je dépose le vélo, met en place le casque et, par précaution, vais voir Marie au camping-car pour lui expliquer la situation. Nous convenons de prendre en plus le gilet fluo, du style de celui obligatoire dans les voitures, que j’avais amené au cas où. Finalement j’ai bien fait car ce n’est pas le côté fluo qu’ils veulent, contrairement au mail que j’avais reçu plusieurs mois auparavant, mais bien un vêtement rétroréfléchissant. Et tant pis pour le gilet acheté spécialement pour l’occasion…

    Bon ces péripéties passées, je « mange » et m’habille, en attendant le départ du ferry. Dans celui-ci je retrouve quelques Français. Chose que je découvre, à l’étage du bateau, il y a une salle bien confortable et chaude où l’on peut attendre tranquillement l’arrivée sur le lieu du départ. Du coup on y discute, on blague, on se donne des infos, on s’encourage, on donne le change mais on sent tous le stress arriver. Puis à H-15’ nous descendons sur le pont. Nous finissons les derniers préparatifs. La pression monte. Il fait nuit, il fait froid, on sait ce qui nous attend. Et le pire c’est que nous l’avons bien cherché !

    Un groupe de Français de plus en plus nombreux, se forme. On se connaît très peu, on a à peine échangé durant quelques minutes mais les empoignades, encouragements, embrassades sont intenses. Les émotions sont beaucoup plus fortes que n’importe quel mot.

    Un jet d’eau permet de « s’habituer » à la température de l’eau dans laquelle nous allons nous jeter. Des inconscients se font asperger plus d’un quart d’heure avant le départ. Je ne vois pas l’intérêt de se prendre une hypothermie maintenant. Je passe prudemment mon tour.

    Puis l’avant du ferry se soulève, dans un grand grincement. Nous nous massons devant l’ouverture, gentiment poussés par l’organisation. J’ai la fugace impression de me trouver dans un film sur le débarquement en Normandie. Une boule dans le ventre.

    Les premiers se jettent à l’eau et s’éloignent vers les kayaks qui matérialisent le départ. Le rythme s’accélère et bientôt il ne reste que peu d’entre nous sur le pont. Avec Arnaud, un Bordelais qui va bien, nous attendons puis nous nous lançons finalement, parmi les derniers. Premier choc avec l’eau. C’est maintenant que des mois de préparation vont être validés. Je trouve l’eau froide mais ça va. Ça pique un peu le visage et les mains, brefs les seules parties non protégées, mais ça reste supportable. On se regroupe tous à côté des kayaks.

    Puis la corne du ferry retentit et c’est parti. Le Norseman proprement dit vient de commencer !

     

    La natation part relativement vite. On sent qu’il n’y a pas de temps à perdre. Tout le monde sait que le couperet tombera dans quelques heures et personne ne veut faire partie des déçus.

    Pas grand-chose à en dire de cette natation. Elle est rectiligne, quasiment jusqu’à la sortie de l’eau. Nous longeons le bord du Fjord. Sur la route au-dessus de nous, des supporters et photographes suivent nos « exploits ». Cette longue ligne droite de plus de 3 kms se déroule finalement plutôt calmement, au rythme des sempiternelles querelles pour se retrouver dans les pieds du nageur de devant, des dépassements, accélérations, ralentissements inévitables.

    Le plus pénible est le changement de flottaison qu’impose le top néoprène et la cagoule. Ça augmente inévitablement le maître-couple et, du coup, j’ai les pieds qui plongent. Comme je ne veux pas mettre de jambes sur la natation, je suis obligé de rétablir l’équilibre en baissant la tête et en tirant sur le dos pour réaligner le corps. J’accélère, ralentis, double, me fais doubler. Je ne force pas mais je sais que mon rythme est bon. Je pense que mon temps et surtout mon classement ne seront pas trop mauvais.

    Arrive la seule bouée du parcours. On ne peut pas trop la manquer, elle est dans l’alignement d’un immense feu allumé en bord de route, moins de 100 m plus loin. À partir de là, virage à gauche et emballement général. Ça accélère sec devant, sur les 400 derniers mètres. Une petite crampe au mollet me prend. Je ne m’affole pas, j’en ai hélas l’habitude désormais. Je relâche, ça passe. Je tire alors sur les bras pour retrouver un poisson pilote. On longe le quai des ferrys sous les encouragements d’une foule matinale et survoltée. Au bout du quai, virage à droite et arrivée sur la grève. Ben voilà, la première épreuve est passée.

    A la sortie de l’eau je me rends vite compte que je suis plutôt bien classé (1h03’57, 41ème). Marie m’accueille alors que je file vers le vélo. On a refusé l’entrée du parc aux accompagnants et elle n’a rien pu mettre en place. On ne se stresse pas, on parle beaucoup pour gérer déshabillage et habillage. Combi, top, chaussons, bonnet, cagoule et lunettes disparaissent. J’enfile maillot, veste chaude et veste de pluie, chasuble en haut, chaussettes, jambières, chaussures et sur-chaussures, en bas. Un Buff, un bandana et le casque pour conclure. On fait ce que l’on avait répété auparavant et je finis par enfourcher mon vélo, sous une pluie battante. Le résultat est là : j’ai gagné 6 places durant la transition. Bravo chérie !

     

    C’est parti pour les 180 kms. Ça commence par une portion plutôt plate. J’en profite pour finir de m’habiller, même si la pluie rend la chose compliquée. Ça glisse !!! Je commence aussi à me faire doubler. Je préfère me concentrer sur ma tenue pour être bien, avant de m’énerver sur le classement. La partie vélo va être longue.

    Puis la montée débute. Le premier col fait 35 kms, avec des parties à forts pourcentages. Niveau pente et difficulté ça fait un peu penser à l’Izoard. C’est par contre majestueux, avec des falaises gigantesques, une rivière qui coule à côté de nous et une route qui serpente où elle peut. Nous empruntons une vieille piste cyclable qui longe celle des voitures. À certains moments elle n’est plus praticable et nous devons alors circuler avec les voitures, dans des tunnels qui nous sont quasiment réservés.

    Arnaud me double et m’annonce que nous sommes 47 et 48ème. Du coup je compte ceux qui me doublent et ceux (moins nombreux) que je double. Les pourcentages varient mais nous n’arrêtons pas de monter tout le long, avec parfois des pentes supérieures à 15%.

    Au 20ème km, le support devient possible. J’ai rendez-vous pour ma part au sommet du col, 15 kms plus haut. Le ballet des voitures suiveuses commence. Les accompagnants qui attendent sous la pluie en bord de route. Les voitures qui doublent, s’arrêtent, repartent, redoublent. La pluie, elle, qui ne s’arrête pas. Elle se fait même plus forte. Un déluge !

    Un peu avant le point prévu je vois le camping-car au loin. Marie et Jules m’attendent sous leurs parapluies. L’avantage du camping-car, c’est qu’on le remarque de loin, on ne peut pas le manquer !

    Il était prévu que je ne fasse qu’une récupération des bidons, sans m’arrêter. Mais la nature se rappelle à moi et je fais une pause vidange qui me coûte 10 bonnes places au classement. Je change les bidons, prends de quoi manger et je repars. Le col arrive, le plateau également. C’est parti pour 60 kms de « plat ». Des faux-plats en fait, montants, descendants, rarement plats au bout du compte. Et là, ça commence. Je me fais déposer par des mecs qui filent à des allures que je ne peux pas contrer. Grands moments de solitude à chaque fois. Je me languis de retrouver des cols, après Geilo. En attendant, je m’accroche. Le dos me fait souffrir. La position aéro ne me convient pas. C’est pourtant maintenant qu’il faut que je la tienne. Alors je serre les dents mais j’avoue, la pluie s’intensifiant, le moral n’est pas au mieux.

    Il est pourtant splendide ce plateau, avec des paysages grandioses. Lorsque la météo se lève un peu, on peut voir au loin le glacier du Hardanger, magique. Par contre ça pèle. Des névés sur le bord de la route, ça met dans l’ambiance.

    Question alimentation, les gants que j’ai mis lors de ma pause m’empêchent de tenir quoi que ce soit d’autre que mes gourdes. Je ne vais donc ne m’alimenter qu’avec du liquide, coca et produit énergétique. Lorsque je les enlèverai ces fichus gants, je pourrai enfin attaquer viande séchée et noix de cajou. Plus tard ce seront bananes, café sucré, fruits secs, viande séchée, saucisson, fromage qui alterneront avec les boissons. Seul problème, au bout d’un moment le sucré me sature, ce qui posera des soucis pour la suite. 

    Juste avant Geilo la route descend fortement. J’attends ce moment depuis plusieurs kilomètres, me disant que je vais enfin pouvoir accélérer. Oui, sauf qu’avec la pluie je ne me refais pas la cerise. Je me gèle et suis obligé de me crisper pour négocier au mieux les virages de cette descente sinueuse.

    Geilo marque la mi-parcours. C’est aussi le début des 4 cols qui vont m’amener à T2. Les 3 premiers ne sont pas très longs, 4-5 kms, avec des pourcentages jusqu’à 8%. De gros col de la Gineste pour les Marseillais. Et quasi à chaque fois, lors des descentes, c’est le même topo avec la pluie qui me gâche le plaisir. Et quasi à chaque fois, lorsque vient une portion de plat, je me fais déposer par au moins un ou deux cyclistes. Énervant ! Heureusement je me fais plaisir dans les montées. Je stabilise le classement sans trop fatiguer. Tout le dénivelé auquel je me suis astreint durant la préparation me sert à ce moment-là.

    Le dernier col est plus long et plus pentu. La météo s’améliore alors que je m’y lance. Je l’ai bien repéré, je ne m’énerve pas et le monte à mon rythme. 8 kms plus loin, au sommet, dernier ravito avec mon équipe. Des bidons, un peu à manger et c’est parti pour la dernière section. Marie et Jules filent au plus vite à T2 pour tout mettre en place avant mon arrivée. Je m’enfile encore 8 kms de faux plat très ventus et très humides (la pluie s’est remise de la partie) puis j’enchaîne par 30 kms de descente, bien entendu sous une pluie battante.

    Durant les dernières centaines de mètres avant la transition, je baisse les jambières sur les chevilles, dégrafe les surchaussures, défais toutes les fermetures des épaisseurs en haut. Bref j’anticipe au max. Ausbygde arrive. Ça sent la fin du vélo (7h10’18, 117ème temps). Au fur et à mesure du parcours vélo, j’espérais pouvoir finir à la 100ème place. Ça m’en laisserait encore 60 pour la course. Verdict dans quelques minutes…

    Une crampe me prend au moment où je descends du vélo, à T2. Qu’importe, Marie me rejoint et nous filons vers mon emplacement. Avec son aide je me débarrasse vite des maillots-veste thermique-veste de pluie, du Buff, du casque et du bandana avant d’enfiler t-shirt et casquette. En bas ce sont jambières, chaussures, chaussettes, surchaussures qui sont vite remplacées par chaussettes sèches et chaussures. Une petite gourde de produit énergétique, quelques noix de cajou, de la crème antalgique sur mon dos endolori et c’est reparti en 92ème position. Et une place de gagnée lors de la transition. Merci mon amour !

    Bon, je suis plutôt satisfait. Je suis encore bien classé.

     

    Sur les deux premiers kms le rythme est bon, 11,5-12 km/h. La douleur au dos a miraculeusement disparu mais mes chaussures sont mal serrées et surtout un point de côté me gêne énormément. Une petite pause pipi-serrage de chaussures plus tard, tout est réparé.

    Je file entre 10,5 et 11 km/h sur de nombreux kms. Ils s’écoulent lentement mais ça va. Le moral est bon, je sens que je n’ai pas une grosse vitesse mais les jambes tiennent. Je cours non-stop. Mieux que sur la plupart de mes Ironman précédents. Je suis content car au 12ème je suis encore dans les 100 premiers. D’autant que si je ne suis pas trop doublé, devant moi certains abandonnent ou ralentissent fortement, ce qui stabilise mon classement. Marie suit tout ça directement sur son portable. Elle me donne les infos au fur et à mesure et me pousse et m’encourage de main de maître.   

     À chaque fois que cela leur est possible, mes supports me donnent coca et eau, seules choses qui passent, avant que même le coca ne m’écœure. Entre les kms 12 et 16 la vitesse diminue, passant sous les 10 km/h. Ça devient dur mais je m’accroche.

     Tous les potes Français sont derrière moi mais leurs accompagnateurs m’encouragent de plus en plus. Je sais donc qu’ils approchent derrière moi.

    À partir du 16ème la course change de physionomie, pour moi. Il ne me reste que 9 kms jusqu’à Zombie Hill, où je sais que nous allons tous marcher et où mon expérience de l’ultra m’aidera à ne pas perdre de place, voire à en gagner. Mais ces 9 kms vont être très, très durs ! A Miland, au 18ème je suis déjà 116ème. 16 places perdues en l’espace de 6 kms ! Les forces m’abandonnent, le moral lâche au fur et à mesure que les kms s’égrènent. Marie ne sait plus comment m’aider, m’encourager, me stimuler.

    Je manque d’énergie mais tout ce qui est sucré ne veut plus passer. J’essaie le café sans sucre, le fromage, les chips, la viande, que sais-je encore ? Je prends sur moi pour continuer à courir, parfois à peine à 8 km/h. Lorsque je craque et que je marche je m’en veux et je m’oblige à repartir au plus vite. Je me languis d’arriver à cette fichue montée. Je sais qu’elle est juste après l’usine électrique. Je vois au loin les lignes haute tension qui y sont connectées, mais j’ai l’impression qu’elle s’éloigne plutôt que de se rapprocher.

    Bien entendu, ceux qui arrivent à courir me doublent. Je perds 22 places sur 5 kms ! Les Français me passent les uns après les autres en m’encourageant. Certains cherchent même à me prendre dans leurs pas mais rien n’y fait. Ça ne veut plus. C’est un très long calvaire.

    Puis vient enfin le fameux virage à gauche qui lance la montée vers le Gaustatoppen. Un tout petit arrêt au premier ravito de l’organisation (bravo pour les réglisses, elles m’ont fait un bien fou !) et je me lance enfin dans les 7 kms de Zombie Hill, la montée où les concurrents titubent. Je me fais fort de courir encore quelques mètres puis, comme tout le monde, je marche. Et je stoppe enfin l’hémorragie. Je suis 128ème au pied, je serai 133ème au 32,5. Je monte à un bon rythme, à peu près 5,5 km/h. Je double peu mais me fait surtout beaucoup moins doubler.

    Je sais que je serai dans le bon paquet. Pour autant je ne relâche pas et je me paie même le luxe de courir… sur les seuls 20m à peu près plats dans un virage. L’air de rien je reprends comme ça 4 concurrents d’un seul coup !

    A 100m du cut off, un support redescend et compte à rebours à chaque fois qu’il croise l’un d’entre nous. A mon niveau il annonce 133ème. C’est validé, j’en serai ! Un dernier virage à gauche et l’arche apparait. Mon Dieu comme j’ai rêvé de ce moment. Je lève les bras au ciel, pousse un grand cri de soulagement et de jubilation. Je serai black t-shirt dans 10 kms. Je l’ai fait !

    C’est difficile de décrire maintenant les sentiments de cet instant-là. Tous les doutes que j’ai pu avoir durant ces années où je fantasmais sur cette course. Toutes ces nuits où je me faisais et refaisais le parcours, les transitions, où j’anticipais sur ce qui pourrait se passer. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de fois où j’ai pu peser mes qualités et mes défauts, pour parfois arriver à me rassurer, d’autres … à m’angoisser encore plus.

    J’avais parfois des réticences à parler de ce défi, tant il aurait été difficile pour moi de ne pas revenir avec ce t-shirt noir. Lorsque j’en parlais, combien de fois mes interlocuteurs me disaient qu’ils préféraient ne pas s’y lancer tant ils craignaient de ne pas y arriver. Ils devaient sans doute me trouver bien présomptueux d’oser m’y confronter. Je pense que certains n’auraient pas parié sur ma réussite.

    Et puis, à ce moment-là de la course, cela fait plus de 12h30 que je suis plus souvent doublé que ce que je ne double. C’est une tension permanente pour un nageur-cycliste. Chaque concurrent qui me double, c’est une place en moins. Donc oui, ce cri c’est une libération.

    Du coup, comme Marie et Jules sont partis garer le camping-car, j’en profite pour me ravitailler, me poser et savourer l’instant. La pression retombe peu à peu. Lorsque ma petite famille arrive, nous décidons qu’ils vont prendre la navette jusqu’au 37,5 pour m’attendre et finir la montée avec moi. J’enclenche donc la première et file sur ces 5 kms de route, encore bien pentus. Je prends mon temps maintenant. C’est le paradoxe de ce cut off. On se démobilise passé le 32,5 alors qu’il reste encore un sacré morceau à se taper. Autour de moi les autres concurrents ne vont guère plus vite, mis à part un « fou » qui court. Eh gars, c’était avant qu’il fallait le faire, maintenant, mis à part le classement final, ça n’a que peu d’importance. À chaque fois que je rencontre un concurrent, nous nous congratulons d’un « good job ! ». Beaucoup de respect de part et d’autre.

    Je mettrais 1h02 pour ces 5 kms, sans pression, prenant même le temps de faire quelques photos de ce coin vraiment magnifique. Puis je retrouve mes supports. Un dernier check de l’organisation pour vérifier mon sac obligatoire, un dernier petit ravitaillement et c’est parti pour les 5 kms de trail jusqu’au sommet.

    Il sera interminable ce sentier. Plus de 1h50 à grimper sur des dalles branlantes de granit glissant. Beaucoup de vent froid, de la pluie, du brouillard.

    Emmanuelle, une Française qui a passé le cut 3 places derrière moi, me rejoint. On se jette dans les bras l’un de l’autre, comme nous l’avions fait dans une autre vie, plusieurs heures auparavant, sur un certain ferry. On se félicite, chacun ravi que l’autre « en soit ». Puis elle file avec son support et je continue de mon côté, plus lentement certes, mais avec la certitude que moi aussi, j’irai en haut.

    Un peu plus loin c’est un concurrent handisport que nous rejoignons. J’en reste sur le c… Il est unijambiste ! pourtant, il est sorti de l’eau devant moi, a pédalé sur une seule jambe sans que je ne le double et ce n’est finalement qu’à 3 kms du but, dans des rochers où j’ai moi-même du mal à marcher que j’arrive enfin à son niveau. Je le félicite mais je sens bien que mes mots n’arrivent pas à traduire tout le respect et l’admiration qu’il m’inspire. Sacré gars !

    Le brouillard s’intensifie, le froid aussi. Les mètres s’égrènent là où les kilomètres le faisaient plus tôt. C’est long, fastidieux. Si Jules arrive à suivre, Marie m’inquiète. À s’être occupée de moi depuis ce matin (sans parler des jours précédents), elle s’est mise en retrait et a dépensé sans compter. Elle peine de plus en plus et je sens que la fin est très dure pour elle. Je crains une hypoglycémie. Je l’encourage, la soutiens.

    Peu à peu, la fameuse antenne se devine. Les pierres branlantes se transforment en escalier de granit. Nous les grimpons et finalement, après 15h25’18 d’effort, je suis officiellement Black T-Shirt. Appelez-moi Man In Black !!!

     

    Nous avons choisi de franchir la ligne tous les 3 de front, main dans la main, en poussant un cri de joie et de soulagement. Le Norseman c’est vraiment une course que j’aurai partagé avec mes deux supports. Elle a le goût de l’effort commun plus qu’individuel.

    En parlant de goût, après m’avoir mis une couverture sur les épaules, on me tend un verre de jus de baies (sans doute des airelles) et surtout un bol de la fameuse soupe du sommet. Cette année c’est une sorte de ragoût chaud, consistant, qui passe très bien à ce moment-là. Un délice ! Nous le partageons, tout en s’habillant pour ne pas être trop transis de froid.

    C’est alors que nous entendons une conversation entre un support et un membre de l’organisation, à côté de nous. Visiblement il est possible pour les accompagnants de prendre le funiculaire avec les athlètes, pour peu qu’ils paient. Nous en discutons rapidement mais vue les conditions climatiques, la nuit qui arrive et la fatigue de mes deux amours, nous convenons qu’il serait largement préférable de choisir cette option. Nous faisons l’impasse sur la gaufre dans une cafétéria de toute façon bondée et filons vers le funiculaire. Après un tunnel creusé à travers la roche, nous débouchons sur le guichet où patientent triathlètes mais également touristes et accompagnants. Et là, après avoir payé (cher !), mes deux amours ont le droit de m’accompagner sous terre. Un funiculaire d’abord, un petit train ensuite et nous débouchons enfin sur un parking où nous attend une navette qui nous ramènera au 32,5. Nous retrouvons enfin notre camping-car, pour une nuit de repos bien mérité.

    Le lendemain, remise de t-shirts, cérémonie protocolaire et surtout la fameuse photo de la promo 2017 du Norseman. Ça y est, j’y suis. Et avec la bonne couleur de t-shirt ! Dire que j’en rêvais, que je m’imaginais en noir ou en blanc (vision optimiste ou pessimiste), en regardant les photos des années précédentes.

    Puis, nous faisons un shooting photo avec les Français. Tous All Blacks, svp ! À ce propos, à côté des blancs et noirs, on trouve quelques t-shirts finishers roses et, plus rares encore, des t-shirts verts. Le rose, ce sont ceux qui sont 5 fois finishers, verts, 10 fois. À ce niveau-là c’est plus de l’amour mais de la haine !

     

    Quelques remarques :

     

    • Après deux voyages en deux ans (Rockman, swimrun, l’année dernière, Norseman, triathlon, cette année), je confirme : la Norvège est vraiment un très beau pays, avec des paysages magnifiques, une culture millénaire, des gens accueillants. Et ils nous ont donné des complexes sur le niveau d’Anglais des Français…
    • Par contre le Norseman, tout comme Ironman, c’est une usine à fric. Pas de pasta party la veille ; un buffet à l’hôtel à l’arrivée, mais payant pour tous, athlètes compris ; pas de café ni quoi que ce soit au départ ; pas de ravitaillement avant le 25ème km à pied, puis 3 autres très légers (32,5ème, 37,5ème et arrivée avec un bol de soupe et un verre de jus de baie et c’est tout !). Un T-shirt coton basique, en tout et pour tout, pour le support principal…
    • À ce propos, nous avons un regret. La Support Crew a une pression énorme. Sans elle, impossible pour l’athlète de faire sa course. Le véhicule doit respecter les conditions de circulation, ne doit pas dépasser du bord de route lorsqu’il s’arrête, a des impératifs démesurés à respecter. On nous explique tout ça durant le briefing pré-course mais on ne les met pas en avant lors de la cérémonie de clôture. Ils deviennent inexistants alors que sans eux, peu d’entre nous auraient pu terminer. Qu’est-ce que j’aurais aimé que ma petite équipe, qui a tant fait pour moi, soit, comme les autres, applaudie, citée lors de la cérémonie. Qu’est-ce que j’aurais aimé qu’ils aient en souvenir, comme moi, un vrai t-shirt finisher, quitte à ce que je le paye, au point où j’en étais. C’aurait été la moindre des choses.
    • On peut gérer le suivi d’un triathlète durant tout le Norseman en camping-car, le ravitailler lorsqu’il le faut, sans pour autant avoir la moindre expérience de ce genre de véhicule. Il suffit juste d’être aussi exceptionnel que mon épouse. Un immense bravo à elle ! Et un non moins immense merci à mon grand fils qui aura été lui-aussi photographe-ravitailleur-supporter-accompagnateur tout au long de cette journée de dingue !
    • La clé selon moi sur cette course c’est l’anticipation. Du matériel, en fonction des conditions de course que l’on peut/doit prévoir au mieux et bien en avance ; des ravitaillements, autant dans leur fréquence que dans leur placement et bien entendu dans leur contenu ; des transitions et des ravitos que l’on doit répéter avec son support pour automatiser chaque geste et parer aux inévitables impondérables.
    • Un triathlon ne se gagne pas mais peut se perdre sur les transitions ou sur la natation. 41ème en natation, 47ème sur T1, 53ème sur T2…What else ?
    • Oui, il est possible de finir en noir sur le Norseman avec, depuis janvier, 75 kms de natation (50’/sem.), 800 kms de course (3h50/sem.) et 2100 kms de vélo (3h17/sem.), et surtout moins de 3000 kms de vélo en plus de deux ans ! Tout ça pour finir honorablement 132ème en 15h25’18. Bref, lorsque je vois les volumes d’entraînement conseillés par beaucoup, je reste sur mon idée que, certes, je pourrais bien mieux faire, mais que ma préparation polyforme est validée. Je passe allègrement de l’ultratrail en février au Norseman début août, en passant par un ultra swimrun fin juin et un autre tout début septembre, tout cela avec 10h d’entraînement par semaine, compétitions comprises ! Ma façon de penser l’entraînement, à rebours de certains, ne doit pas être si mauvaise que cela…

     

     

                   

    Nicolas Gouby (M)

    Natation          01 : 03 : 57 (41ème)

    T1                   00 : 05 : 21 (47ème)

    Vélo                07 : 10 : 18 (117ème)

    T2                   00 : 03 : 15 (53ème)

    Cap                 07 : 02 : 25 (130ème)

    Total                15 : 25 : 18 (132ème)

    Black T-shirt

     

     

     

  • Ma Saintélyon

     

    Au début il a eu la diagonale, en 2011. Première expérience de l’ultra. Ca fait mal, c’est dur, j’en sors avec une tendinite mais quel pied, quelle aventure. Dans ma tête se met en place un « triptyque », une sainte trinité de l’ultra-trail : diagonale, templiers, UTMB.

    La diagonale me donnant 4 points UTMB, il ne m’en faut à l’époque qu’un seul autre pour accéder au tirage au sort. La seule course qui me permet en cette fin de saison 2011 de l’obtenir est la Saintélyon. Mais ma tendinite, mon planning de travail et le gros coup de pompe réunionnais m’incitent à ne pas trop vouloir en faire. La Sainté ce sera pour plus tard, l’UTMB aussi.

    Vient 2012 et ma participation à l’endurance trail des Templiers. 109 kms de boue sur les Causses de Millau. 19h15 de course dont 19h de pluie. Un plaisir… Mais j’ai rempli la deuxième étape du contrat et surtout j’ai les 3 points qui, cumulés aux 4 de la diagonale, me permettent de participer au tirage au sort 2012 de l’UTMB. Je ne suis pas tiré au sort. Rideau.

    En 2013, rebelote. Je perds les 4 points de la diagonale valables 2 ans seulement, mais je garde les 3 points de Templiers. Il m’en faut donc à nouveau 4 pour participer au tirage au sort (à ce niveau-là j’espère que vous suivez encore, il faut vraiment avoir la tête en plus des jambes pour participer à ces courses à la c…). Je pars en chasse d’une course à 4 points. Ce sera le Grand Raid du Queyras fin juin. 128 kms dans un endroit que je connais comme ma poche, c’est la course pour moi. Hélas les conditions météos désastreuses de ce printemps jouent contre nous et la course est annulée, reportée sur le demi-format de 58 kms. Je le boucle et empoche deux points.

    Restent deux points à trouver. Ça pourrait être à nouveau les Templiers mais bof, j’ai déjà fait. Les Hospitaliers sinon mais le temps que je me bouge c’est complet. Reste la Sainté. Aller c’est parti. Je flippe un peu car si je me loupe, plus de solution de repli. C’est la der des ders, la dernière course de 2013. Un échec, une annulation et je perds 2 ans de points UTMB, le coef 2 pour le tirage au sort. Bref celle-là j’irai au bout et encore plus s’il le faut !!!

     

    Bon tout ce préambule pour lancer le compte rendu de cette course.

    La Sainté 2013 c’est 75 kms de nuit entre Saint Etienne et Lyon, par les monts du Lyonnais. C’est 56 % de route, le reste de chemins, de pistes. C’est du verglas, de la neige, de la boue. C’est 14000 personnes sur l’ensemble des courses, 8000 pour le seul 75 kms auxquels s’ajoutent les relais. C’est donc la cohue d’un Marseille Cassis sur les sentiers des calanques, de nuit dans la neige, le tout éclairés aux frontales. C’est enfin 1800m de D+ et 2100m de D-, Lyon étant plus basse que Saint Etienne.

    Ma Saintélyon c’est surtout une course en compagnie d’Elodie. Toute auréolée de sa diagonale elle court elle aussi après l’UTMB. Il lui manquait 2 points, ce sera la Sainté cette année encore. Et comme on doit juste arriver au bout on se dit que ce serait sympa de la vivre le plus longtemps ensemble.

    Elodie et la Sainté c’est déjà de l’histoire ancienne. Du pur Warriorette. L’année dernière elle était encore à Paris samedi après-midi, à sauter au dernier moment dans le train pour Lyon, se nourrissant d’un mauvais repas SNCF, calant une bouteille d’eau dans le soutif et finissant sa première Sainté. Autant dire que cette année c’était, sur le papier, plus que du velours pour elle...

    La Sainté 2013 c’est la 60è édition d’une course mythique et populaire. L’organisation est donc bien rodée. On récupère nos dossards en quelques minutes au palais de sports de Lyon Gerland. De là une navette nous amène à St Etienne, de porte à porte. Le pied ! Un grand hangar, style hall de foire nous accueille. Des gradins, une zone calme, des transats mis à disposition, du chauffage, tout est fait pour nous permettre d’attendre minuit, l’heure du départ sinon du crime.

    Une pasta party bien décevante plus tard, on se pose et se repose sur nos transats, sans vraiment trouver le sommeil. On voit à coté de nous les vieux briscards bien organisés, avec matelas gonflables et duvets, casques sur les oreilles et caches sur les yeux.

    23h30, on se prépare, on se change. Camel back sur le dos, bonnet sur la tête, gants sur les mimines, on se rend sur le site départ. J’ai eu beau en faire pas mal de ces départs je ne sais pas pourquoi l’émotion m’a pris sur celui-là. L’éclairage des frontales, la minute de silence pour ce champion décédé dans l’année, y’a quelque chose…

    Puis au son de light my way de U2 c’est le départ. 7 kms de route pour sortir de la ville et enfin rejoindre nos chers sentiers. 7 kms d’un long ruban de lumière, d’un flot ininterrompu de coureurs. Le thermomètre d’une pharmacie affiche -5°. Ambiance…

    Puis ça y est, on monte, la route se rétrécie, le verglas commence à apparaître et au sommet de la côte la neige, les champs. Ah enfin !

    Un bouchon. Vu comme ça glisse certains chaussent leurs chaines à neige. On hésite puis on les met nous aussi. Et là, le pied, c’est le cas de le dire. On va trouver tout au long de la course 2 types de coureurs : ceux qui ont ces chaines et qui courent quasi normalement, et ceux qui marchent et se ramassent à côté (au bas mot une douzaine sur la course). Le gain est indéniable. Nous avons opté pour le système Turtles. Deux triangles de chaines sous la semelle reliées par une sangle en silicone qui les maintient sur la chaussure. Ca s’enfile et s’enlève en quelques secondes, ça tient, et seul le métal est en contact avec le sol, du coup c’est solide et ça ne s’use pas, contrairement à d’autres modèles.

    Bref nous voilà sur nos sentiers. Difficile alors de vous faire un « vrai » compte rendu de la course. Il fait nuit, on passe notre temps à slalomer entre les coureurs et les marcheurs. Ça monte, ça descend. On passe par de la boue, de la neige, du verglas. Au milieu de nulle part (mais alors vraiment nulle part) on trouve soudain quelques zigs qui nous encouragent à grand renforts de cloches et autres sifflets, un petit braséro à côté. On franchit de villages endormis et d’autres plus que réveillés. C’est fou. On bouchonne, on court, on marche dans les montées. On passe de la moiteur de la forêt au petit vent très frais des crêtes.

    Elodie est une locomotive. Là où j’enlève et je remets ma veste, mes gants, où je réajuste mes Turtles, elle continue telle un métronome. Impressionnante la miss. A chaque mini arrêt elle continue et je fais l’effort pour la rejoindre. Bizarrement je me sens plus à l’aise en descente, et j’arrive (un peu) à la distancer et à rattraper quelques concurrents. Et tout aussi bizarrement, alors que d’habitude je me débrouille mieux en montée, là je rame et je force pour la suivre.

    Les kilomètres se suivent, pas assez vite à notre goût. Les ravitos aussi, bien que nous ne nous y arrêtions que très peu, tellement il est difficile de repartir dans le froid. On va passer la nuit comme ça, à courir beaucoup, à marcher un peu, à discuter et à s’encourager.

    Au bout de 55kms je commence à bâcher. L’aube arrive mais Lyon est encore loin. Je force pour tenir jusqu’au ravito. Je suis récompensé par la beauté du soleil qui se lève au loin, pile de derrière le Mont Blanc. Magique ! Fabuleux !

    Passé l’avant-dernier ravito, je repars avec Elodie mais dans la douleur. J’ai trop forcé et je commence à le payer. Je tiens au mental mais bientôt, la mort dans l’âme, je dois me résoudre à laisser partir ma locomotive. Elle a encore le feu, moi je m’éteins peu à peu. Vers le 60è ça se confirme : les jambes tétanisent. Impossible de courir. Lorsque je m’y essaie les crampes arrivent au bout de 100m. Donc je marche. 15 kms. Le temps d’en voir passer des concurrents. Des minces, des gros, des très gros, des jeunes, des vieux, des vieilles. Comme dirait Claude, des « qui marchent plus vers la tombe que vers l’arrivée », mais qui marchent néanmoins. Et plus vite que moi. Les boules.

    Au 65è, alors que je passe le panneau, une ampoule que je me traine depuis plusieurs heures déjà se crève d’un coup sous le pied droit. Ils vont être longs ces 10 derniers kms…

    J’arrive sur Lyon en marchant, descendant des volées de marches arc-bouté sur les rambardes. Après mon expérience difficile sur le Lyon Urban Trail en avril 2012 où j’avais abandonné sur un gros coup de fatigue, je me dis que Lyon et moi c’est définitivement pas fait pour coller.

    Les kms s’égrènent lentement. Je prends mon mal en patience en marchant à mon rythme. Puis c’est le Rhône, puis Gerland, puis l’arrivée. 11h43’35. Plus du double du temps du 1er. 1h06 après Elodie, impériale.

    On se retrouve dans le palais des sports, à se dire que non plus jamais ça, elle est trop dure celle-là. Et c’est vrai qu’elle est très dure. Je ne sais pas pourquoi on a tous cette impression. Est-ce le froid ? L’alternance route-sentiers qui permet de courir plus que d’habitude ? La nuit ? Mais qu’est-ce que j’en aurai bavé ! Sans doute aussi que de partir pour « juste » avoir des points qualificatifs au bout ne met pas dans l’ambiance habituelle. On sentait ces coureurs pour qui la Sainté était le graal, le défi ultime. Pour nous elle n’était qu’un passage, une étape vers l’UTMB et pour moi une bonne prépa pour le Marathon des Sables. Et au bout du compte je m’y suis cassé les dents.

    Du coup même si je n’aime pas refaire des courses déjà faites, je pense que j’ai un contentieux avec celle-là et qu’un jour ou l’autre je m’y collerai avec comme objectif de mieux la finir. De la vaincre plutôt que de la subir.

     

     

    Nico.

     

    PS : quelques réflexions.

    1/ Lorsque j’ai raconté mon « aventure » saintélyonnaise, j’expliquai que j’avais 60 kms dans les pattes et que j’en avais 75 à faire, d’où mes 15 kms de marche, sans pouvoir courir. « Tu veux dire que tu es capable de courir 60 kms non-stop, 18 de plus qu’un marathon ??? » « Ben oui, ça va c’est que 60 kms… »

    2/ Ca me fait penser à José qui va voir son médecin du sport et qui lui dit « docteur, je viens vous voir parce que, en compétition, quand je cours plus de 90 kms, j’ai une tendinite qui m’arrive… » Et le docteur, placide, « Ok, on va voir ça… »

    3/ A ma sœur qui me dit « je ne comprends pas pourquoi tu cours 75 kms de nuit en décembre entre St Etienne et Lyon, ça me dépasse », « ben pour en faire 175 autour du Mont Blanc. » Quelle question !

    4/ Quand Elodie explique ce qu’elle s’apprête à faire cette nuit-là, certains lui répondent que la voiture ça existe. « Et là rideau, je coupe toute discussion, on est trop éloignés, pas sur la même planète, c’est pas la peine… »